Recyclage, la face encore cachée du solaire

Les panneaux solaires ont une durée de vie de 30 ans en moyenne. Avec la fin de vie des premiers panneaux installés dans les années 80, l’industrie du solaire rentre aujourd’hui dans une période charnière. Comment se structure la filière du recyclage des panneaux photovoltaïques dans le monde ? Quels sont les enjeux économiques et environnementaux ? Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, revient sur l’après-vie des panneaux solaires PV et la structuration des activités de recyclage associées.

L’explosion du marché du solaire PV est exponentielle : 9 GW installés en 2007, 290 GW en 2016, et le solaire a encore de beaux jours devant lui. L’IRENA prévoit près de 3 TW installés d’ici 2030 et plus de 6 TW en 2050 ! Cette croissance est soutenue principalement par la Chine (1700 GW), l’Inde (600 GW), les USA (600 GW), le Japon (350 GW) et l’Allemagne (110 GW). Depuis les années 60 et les premiers panneaux solaires installés sur les satellites spatiaux jusqu’aux 290 GW installés en 2016, l’industrie du solaire photovoltaïque a parcouru un long chemin sur la route de l’industrialisation et de l’enjeu clef du recyclage. Sans recyclage la promesse d’une énergie renouvelable ayant un meilleur impact sur l’environnement est fortement ébranlée.

Une activité consolidée par PV Cycle au niveau monde

Fin 2016, ce sont entre 43 000 et 250 000 tonnes de panneaux qui ont été désinstallés, correspondant à moins de 0,6% de la masse totale installée la même année. En 2030, ce chiffre passera à 4% et en 2050, ce sont 60 à 78 millions de tonnes qui seront décommissionées d’après les estimations de l’IRENA[1]. L’activité de collecte et de recyclage des panneaux solaires PV est largement dominée sur le plan mondial par l’association européenne PV Cycle. Véritable consortium d’acteurs, PV Cycle promeut des procédés permettant de récupérer 96% des matériaux des panneaux en Silicium (les panneaux en base Silicium représentent près de 85% de l’ensemble des panneaux solaires). Les 4% restants, correspondant à du verre et des feuilles EVA, peuvent être utilisés dans un processus de récupération d’énergie. Des rendements pouvant même atteindre 98% sont obtenus pour les panneaux à base non-Silicium. En partenariat avec PV Cycle France, Veolia a ouvert le premier centre de recyclage de panneaux solaires PV en France en mars 2017. Cette unité, qui montera en puissance pendant les 4 prochaines années, permettra le recyclage de 4 000 tonnes de matériaux par an à partir de 2021.

malgré une réglementation très hétérogène !

En Europe, l’activité de recyclage des panneaux solaires PV n’est encadrée par la directive WEEE (produits électriques et électroniques) que depuis 2012. Cette directive impose aux producteurs de panneaux solaires, quelle que soit leur localisation en Europe, de financer les coûts de collecte et de recyclage des panneaux solaires en fin de vie en Europe. La commission européenne a récemment fait appel aux organisations de standardisation européennes afin de développer des standards spécifiques relatifs à la directive WEEE.

Aux Etats-Unis, il n’existe pas d’équivalent de cette directive au niveau fédéral. Cependant, la Californie a récemment promulgué une loi encadrant l’après-vie des panneaux solaires, et il est attendu que de nouveaux états suivent ce mouvement[2]. « Le Japon, pourtant pionnier dans le développement du solaire PV, ne possède pas non plus de cadre réglementaire pour la gestion de fin de vie des panneaux mais a simplement édité une feuille de route pour la promotion d’un schéma de collecte et recyclage. Enfin, en Chine et en Inde les panneaux solaires sont traités comme déchets généraux » précise Julien Lefebure, consultant chez Alcimed.

Un gisement de création de valeur économique et sociale

L’implémentation globale d’une filière du recyclage des panneaux PV permet non seulement d’adresser le challenge écologique, mais aussi de créer une chaîne de valeur économique complète et de « boucler la boucle » de la durabilité de cette source d’énergie. Une étude de l’IRENA estime à $460 millions la valeur récupérable du recyclage de 1,7 millions de tonnes de panneaux d’ici 2030. Cette valeur récupérée, qui découle principalement du recyclage de l’Argent (la valeur de l’Argent présent dans un panneau représentait en moyenne 47% de la valeur du panneau à date de 2016), de l’Aluminium (26%), du Silicium (11%), et du Cuivre (8%), est équivalente à la production de plus de 60 millions de panneaux supplémentaires, soit 18GW !

A horizon 2050, les gains potentiels devraient s’élever à $15 milliards !

De plus, le recyclage des panneaux solaires va permettre de créer progressivement des emplois, aussi bien dans le secteur public collectivités locales, instituts de recherche que dans le secteur privé producteurs de panneaux, entreprises de gestion des déchets. La gestion de la fin de vie des panneaux PV passe par un travail sur le fameux triptyque des 3R :

Réduction : la filière de recherche doit viser une réduction de la quantité de matières premières nécessaire à la construction d’un panneau PV. A titre d’exemple, la quantité d’Argent présent dans un panneau a pu être diminuée de près de 40% depuis 2013,
Réutilisation : un système de réparation et de remise sur le marché à prix réduit doit être testé afin de permettre aux acheteurs dont les moyens financiers sont plus faibles, notamment dans les pays en voie de développement, de se lancer tout de même sur le marché du PV,
Recyclage : la filière de recyclage doit permettre la récupération d’un maximum de métaux afin d’assurer la durabilité de la ressource. Aujourd’hui, la quantité modérée de panneaux solaires à recycler n’incite pas les gestionnaires de déchets à créer des structures dédiées et la plupart des panneaux PV sont donc traités comme des déchets électroniques généraux. Ceci réduit la quantité de matériaux récupérés du recyclage.

Selon Jean-Philippe Tridant Bel, Partner Energie et Environnement chez Alcimed, « le défi énergétique de notre siècle ne peut pas se passer d’une réflexion profonde sur l’après-vie de nos installations solaires et éoliennes, à l’instar de la filière nucléaire. Cette démarche s’inscrit dans une vision durable de notre système énergétique, aussi bien d’un point de vue écologique qu’économique et social. »
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