Discours de Barbara Pompili sur le rapport de RTE “Futurs énergétiques 2050″ : extraits

« Il y a urgence à se mobiliser »

 

« Si l’horizon de 2050 peut paraitre lointain, c’est aujourd’hui, à 30 ans de cette échéance, que nous devons préparer l’avenir. L’urgence climatique est là, nous ne pouvons désormais renvoyer les décisions à plus tard et c’est d’ailleurs le dernier enseignement du rapport de RTE : « il y a urgence à se mobiliser ».

 

« Des chemins réalistes pour atteindre la neutralité carbone en 2050 »

 

« A présent, nous en avons la confirmation, il existe des chemins réalistes pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et sortir des énergies fossiles, des produits pétroliers et du gaz qui représentent aujourd’hui encore près des deux tiers de notre consommation d’énergie. Et on voit bien, en ce moment, à quel point ces énergies importées nous rendent dépendants de pays tiers. La hausse des prix du pétrole et du gaz sur les marchés nous rappelle cette fragilité de notre modèle économique ».

 

« La neutralité carbone nécessitera une électrification de nombreux usages »

 

« Alors concrètement, que faire ? Ce que nous disent les scénarios bâtis par RTE, c’est que dans tous les cas, atteindre la neutralité carbone nécessitera une électrification de nombreux usages : mobilité, chauffage, production d’hydrogène « vert » pour se substituer à des énergies fossiles dans divers usages industriels… Dans un contexte de baisse de la consommation globale d’énergie, la consommation électrique va, elle, s’accroitre d’ici 2050, entre +20 % et +60 % par rapport à 2020. En matière de transports par exemple, la demande d’électricité devrait être multipliée par 8 [passant de 13 à 100 TWh]. Nos constructeurs envisagent plus de 70 % de véhicules électrifiés dès 2030 : la dynamique engagée est colossale ! La consommation industrielle passera elle de 113 à 180 TWh dans le scénario médian, en faisant l’hypothèse d’une part constante de l’industrie dans le PIB. Et ceci sans compter les objectifs de reconquête industrielle plus ambitieux que nous pouvons avoir, pour bien des raisons liées à notre indépendance stratégique, à l’aménagement de notre territoire, à l’emploi, et à la réduction de notre empreinte carbone ».

 

« 7 milliards d’investissements d’ici à 2030 pour développer l’hydrogène décarboné »

 

« L’émergence d’une filière de production décarbonée d’hydrogène sera elle aussi un facteur significatif de cet accroissement de la demande électrique tout en offrant des perspectives pour le stockage de l’électricité et l’accroissement de la flexibilité du réseau. Nous avons engagé il y un an une stratégie ambitieuse et volontariste, dotée de 7 milliards d’investissements d’ici à 2030 pour développer l’hydrogène décarboné. Au global, les différents scénarios ont modélisé une croissance de la demande d’électricité de 460 TWh en 2020 à 550 TWh au minimum et 750 TWh au maximum en 2050. Les scénarios médians tablent sur une demande d’environ 650 TWh. »

 

« Les EnR vont inéluctablement devenir majoritaires dans le mix électrique »

 

« Les travaux de RTE, qui ont vocation à être enrichies de données complémentaires dans les prochaines semaines, fournissent des éléments de compréhension précieux. Ils mettent en évidence qu’atteindre la neutralité carbone en 2050 sans nucléaire engendrerait des surcoûts importants sur les mécanismes de flexibilité. RTE estime aussi qu’atteindre la neutralité carbone serait plus coûteux sans construction de nouveaux réacteurs nucléaires, tout en dressant les avantages et inconvénients de scénarios sans nouveau nucléaire, avec quelques réacteurs EPR2 ou avec un parc nucléaire plus important.

Les cahiers d’acteurs indiquent en outre qu’il existe une forme de plafond de capacités industrielles de 14 réacteurs nucléaires nouveaux à horizon 2050, au-delà des SMR qui pourraient être développés parallèlement avec l’appui du plan France 2030. Cette contrainte, remontée par la filière nucléaire elle-même, signifie que, dans l’hypothèse la plus maximaliste en termes de développement de capacités de production nucléaire, qui comporte une part élevée d’incertitudes et de paris technologiques, leur part ne pourra en aucun cas dépasser 50% à l’horizon 2050. Dit autrement, les énergies renouvelables vont inéluctablement devenir majoritaires dans le mix électrique dans les décennies à venir. »

 

« Multiplier par 7 à 12 les capacités photovoltaïques installées d’ici 2050 »

 

L’impératif incontournable est donc de développer de manière très volontariste toutes les énergies renouvelables. C’est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques et assurer notre sécurité d’approvisionnement. Aucun scénario ne permet de s’exonérer d’un déploiement massif des différentes énergies renouvelables dans les prochaines décennies : éolien terrestre et en mer, photovoltaïque, biomasse… Dans tous les scénarios, nous allons devoir :

Doubler le rythme de l’éolien en mer, en passant de 1 à 2 GW par an afin d’avoir installé et mis en service 2000 à 4000 éoliennes offshore à horizon 2050 ; Atteindre entre 43 GW et 72 GW d’éolien terrestre en 2050 (contre 18 GW aujourd’hui), soit entre 2,5 et 4 fois la capacité actuellement installée, ce qui fera atteindre à cet horizon le niveau d’équipement actuel de l’Allemagne ; Multiplier par 7 à 12 les capacités photovoltaïques installées d’ici 2050.

Une telle accélération du déploiement des énergies renouvelables suppose bien évidemment d’en créer les conditions d’acceptabilité, en évitant notamment une concurrence destructrice avec l’usage agricole des terres, en limitant les impacts en termes d’artificialisation et sur la biodiversité et en s’assurant d’une bonne intégration paysagère. »

 

« Le temps des experts doit précéder celui des politiques »

 

« Alors j’anticipe que la question que vous allez me poser c’est : « quel scénario choisissez-vous ? ». Au risque de vous décevoir, il ne s’agit donc pas encore de choisir tel ou tel de ces scénarios. Ils décrivent chacun une voie pour atteindre la neutralité carbone en 2050, avec des avantages et des inconvénients. Chacun doit aujourd’hui pouvoir s’en emparer. Je l’ai dit, contrairement à ce que font beaucoup de candidats à la présidentielle, en matière d’énergie il ne faut pas mettre la charrue avant les bÅ“ufs. Le temps des experts doit précéder celui des politiques. »

 

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