Le débat sur les énergies renouvelables enflamme la politique française pour des raisons idéologiques souvent éloignées de la réalité. Le secteur des énergies renouvelables est un secteur économique extrêmement dynamique, qui ne demande qu’à croître. Il emploie déjà environ 150 000 personnes et, contrairement aux idées reçues, il a globalement davantage rapporté à l’État français qu’il ne lui a coûté. Ce n’est pas le sujet ici, mais cet aspect est particulièrement important en période de chômage, où l’on cherche à développer l’activité économique, et en période de disette budgétaire, où l’on tente de réduire les charges pesant sur le budget.
Le point de ce propos est différent et s’intéresse à la demande. Celle-ci stagne mais cette situation n’est pas durable pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’explosion de l’intelligence artificielle, à laquelle personne ne pourra échapper, nécessite une capacité de production électrique et un réseau d’une ampleur absolument majeure. De plus, et c’est le centre de ce propos, c’est la demande des particuliers, des collectivités locales et des entreprises qui va tirer la demande, non pas tant pour des raisons écologiques que pour des raisons économiques.
La question du prix de l’électricité est d’une telle importance que l’Allemagne a aujourd’hui mis en place des mesures spécifiques pour soutenir son industrie, et que, dans le cadre du système post ARENH, le sujet du prix de l’électricité en France en particulier pour les industries électro-intensives reste majeur.
Excelium a traité avec EDF à un prix particulièrement concurrentiel de 40 € le mégawattheure jusqu’en 2035 alors même que la Cour des comptes estime le coût de revient du mégawattheure nucléaire à 60 €.
De plus, l’impossibilité pour EDF, aujourd’hui, de trouver des entreprises pour signer des contrats au prix qu’elle propose — c’est-à -dire au-delà de 80 € le mégawattheure — témoigne de la volonté du monde industriel de disposer d’une énergie bien moins coûteuse, faute de quoi il menace de quitter l’Hexagone. La vente au prix de revient a fortiori intégrant les investissements à venir du nucléaire est incompatible avec une électricité bon marché.
Dès lors, il est tout à fait clair que pour maintenir un prix compatible avec les exigences industrielles électro-intensives, il faudra un prix très compétitif : il l’est déjà jusqu’en 2035 pour ceux qui font partie d’Excelium, et il le sera pour les autres, en particulier les data centers, grâce aux dispositifs que le gouvernement est en train d’élaborer.
Mais la question qui se pose alors est de savoir qui paiera le différentiel. Dans la mesure où la situation financière d’EDF exclut que ce surcoût de charges soit supporté par l’entreprise, deux compensations sont possibles : un prix plus élevé pour les autres clients, ou l’intervention de l’État sous une forme ou une autre — c’est-à -dire in fine mis à la charge du contribuable.
Si les entreprises comme les particuliers ont bien du mal à intervenir en tant que contribuables sur ce type de décision, en revanche tout leur est ouvert en tant que clients et précisément consommateurs. La question se pose à la fois à un niveau individuel et à un niveau collectif.
Au niveau individuel, qu’il s’agisse d’entreprises ou de particuliers, la réponse est très simple : recourir aux EnR et plus précisément chercher à devenir autoconsommateur chaque fois que c’est possible.
L’autoproduction d’électricité à des fins d’autoconsommation est très rentable, même lorsqu’elle s’accompagne d’une batterie permettant de gérer des périodes de consommation plus longues. Sans doute, des différences régionales peuvent-elles apparaître entre le Nord et le Sud en termes d’ensoleillement, mais l’intérêt pour le porte-monnaie est constant.
La situation des particuliers et celle des entreprises est légèrement différente. S’agissant des particuliers, les calculs réalisés par des spécialistes montrent qu’un projet photovoltaïque de 15 m² (soit 3 kWc) situé dans la région lyonnaise revient à un coût de production de 0,07 € par kilowattheure, avec un amortissement sur 30 ans, ce qui correspond à un retour sur investissement de 5 ans si la totalité de l’électricité produite est consommée sur place. Avec une batterie de 10 kWh et une box énergie, l’ensemble revient à 0,11 € par kilowattheure, soit un retour sur investissement de 8 ans. Or, le fournisseur vend aujourd’hui son électricité à 0,25 € le kilowattheure. En supposant que le prix de l’électricité augmente en moyenne de 5 % par an, dans 10 ans il atteindrait 0,40 €, ce qui accroîtrait considérablement le gain annuel pour le particulier, passant d’environ 825 € d’économie à 1 320 €.
Dans le domaine de l’autoconsommation collective, les coûts se calculent différemment. Cependant, si l’on imagine un système de batteries opérationnelles permettant de redistribuer aux autoconsommateurs la totalité de l’électricité produite, donc sans recourir au réseau, les avantages économiques restent tout à fait considérables. De cette manière, il est possible non seulement de garantir son autonomie, mais aussi de sécuriser le prix de l’électricité, en le protégeant des fluctuations et des surcoûts qui pourraient être imputés aux usagers pour financer les industries électro-intensives.
Si l’on passe au stade des entreprises, le même système d’autoconsommation, qu’il soit individuel ou collectif, est bien entendu possible, mais il s’y ajoute également la possibilité de signer des contrats PPA (Power Purchase Agreements). En effet, seul un PPA peut garantir, sur la durée, un prix constant de l’électricité, permettant à l’entreprise de sécuriser le coût négocié. Le développement des PPA hybrides c’est-à -dire solaire avec stockage vont aussi changer la donne. L’Allemagne qui est en avance sur la France, a vu en 2025 le prix du solaire seul s’établissait en moyenne à 52 euros le MWh. Les contrats hybrides sont en négociation. En France, Orange a signé un contrat d’achat d’EnR sur 15 ans pour 90 GWh /an. De nombreuses solutions hybrides sont aujourd’hui en discussion en fonction de la taille des batteries et de la charge réseau.
Ceci conduit à une réflexion plus globale sur le fonctionnement et le niveau du prix de marché de l’électricité.
Or, il est clair que plus les énergies renouvelables se développent, que ce soit sur le marché français ou européen, plus le prix de l’électricité est amené à baisser, compte tenu de la diminution constante du coût de production de l’électricité solaire, et même éolienne. Ainsi, la transformation de la demande impacte directement l’offre en l’augmentant de facto, ce qui entraîne une baisse des prix de l’électricité sur le marché.
C’est dans cette logique que s’est créée la Féderation FUTURE ( Fédération des UTilisateurs des Energies renouvelables dont l’objet est de fédérer tous les usagers de renouvelable, qu’ils soient particuliers, entreprises ou collectivités territoriales. Présidée par Joël Mercy, président du GEPP et élu local, avec la présidence d’honneur de Bertrand Piccard, l’association, dans une vision très constructive, vise à soutenir les consommateurs d‘EnR, à démontrer l’intérêt économique des usagers de se tourner vers le solaire et les renouvelables et à défendre par une pétition ouverte sur le site de l’Assemblée nationale. Tous ceux qui souhaitent soutenir cette initiative sont les bienvenus.

