Climate Action 100+ : de nouvelles attentes en matière de décarbonisation pour l’industrie alimentaire

Les investisseurs participant à Climate Action 100+, la plus grande initiative au monde d’engagement des investisseurs pour le changement climatique, représentant plus de 55 000 milliards de dollars d’actifs, ont publié le 24 août dernier un nouvel ensemble de recommandations qui présentent les actions nécessaires au secteur alimentaire pour progresser vers un avenir “net zéro”, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Détaillées dans le rapport Global Sector Strategies: Recommended Investor Expectations for Food and Beverage ces recommandations visent à informer et à améliorer les engagements pris entre les investisseurs et les entreprises du secteur alimentaire, qui sont responsables de certains des plus hauts niveaux d’émissions de gaz à effet de serre au monde.

Le rapport de stratégie sectorielle a été élaboré par Ceres et PRI, deux des réseaux d’investisseurs fondateurs de l’initiative Climate Action 100+. Il est publié quelques semaines après la publication du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’alerte soulevée par les scientifiques sur le risque de ne pas atteindre les objectifs de l’accord de Paris et les réductions nécessaires des émissions de gaz à effet de serre sans changements politiques immédiats.

Transition vers le « net zéro »

“Comme l’a clairement souligné le GIEC, les entreprises du secteur alimentaire et des boissons doivent agir de toute urgence, tant individuellement qu’à travers leurs chaînes d’approvisionnement, pour rendre possible un avenir ‘net zéro’,” dit Mindy Lubber, Président Directeur Général du Ceres et membre du comité de pilotage global de Climate Action 100+. “En se concentrant sur les chaînes d’approvisionnement, ces entreprises ont une occasion unique de contribuer à la modification des pratiques de production et d’approvisionnement et d’accroître ainsi l’ambition de réduction des émissions pour l’ensemble du secteur. Les investisseurs demanderont à voir les objectifs intermédiaires des entreprises, et les détails de leur plan de réalisation à court et moyen terme, afin de pouvoir évaluer avec précision le degré de préparation des entreprises à la transition vers le ‘ net zéro’.”

Les émissions du secteur alimentaire représentent environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, la plupart d’entre elles provenant des chaînes d’approvisionnement du secteur. Ni les entreprises individuellement ni le secteur dans son ensemble ne seront en mesure d’atteindre les objectifs scientifiques de réduction des émissions sans s’attaquer aux émissions amont de la chaîne d’approvisionnement provenant de l’agriculture et du changement d’affectation des sols.

” L’ampleur de la chaîne d’approvisionnement alimentaire signifie que le secteur est confronté à des défis considérables en matière de réduction des émissions et d’évolution vers un bilan ‘net zéro’,” ajoute Fiona Reynolds, Directrice Générale des PRI et membre du comité de pilotage global de Climate Action 100+. “Nous encourageons les entreprises du secteur, et les investisseurs qui travaillent avec elles, à prendre conscience des émissions et à prendre des mesures pour les réduire tout au long de ces chaînes d’approvisionnement. Il s’agit notamment de s’engager à atteindre des objectifs de réduction de l’impact des émissions liées à l’agriculture et à l’élevage, de garantir un transport et une distribution écologiques des produits et de trouver des solutions d’emballage durables entre autres. Nous exhortons le secteur à prendre note du rapport publié aujourd’hui et à collaborer pour intégrer des considérations climatiques dans leurs activités.”

Les énergies renouvelables ne suffiront pas à être l’arbre qui cache la forêt

Comme le souligne le rapport Climate Action 100+, pour s’aligner sur le scénario ‘net zéro’ de l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie) d’ici à 2050, les émissions terrestres de niveau 3 doivent être réduites de 85 % par rapport au scénario de statu quo actuel. À l’heure actuelle, le secteur est loin d’être en voie d’atteindre cet objectif, car il existe peu de preuves de l’existence de stratégies spécifiques pour mesurer et réduire les émissions de niveau 3. Les émissions de niveau 1 et 2, qui représentent environ 17 % des émissions du secteur de l’alimentation et des boissons, doivent également être réduites autant que possible. L’atténuation des émissions dans ce secteur représente un défi important pour les entreprises, en plus d’offrir d’énormes opportunités commerciales et environnementales. Selon le rapport, l’élimination de la déforestation, la réhabilitation des terres défrichées et l’utilisation de pratiques agricoles qui atténuent et capturent le carbone peuvent à elles seules atténuer davantage d’émissions que la mise en œuvre d’énergies renouvelables dans tous les secteurs. Afin d’accélérer une action coordonnée sur toute la chaîne de valeur et de répondre aux défis et opportunités uniques du secteur, le Ceres, les PRI et les investisseurs de Climate Action 100+, en concertation avec des experts externes et des entreprises du secteur de l’alimentation, ont défini des actions prioritaires pour les entreprises, l’industrie au sens large et les investisseurs. Ces recommandations d’engagement couvrent chaque étape de la chaîne d’approvisionnement alimentaire – de l’amélioration des pratiques de sourcing aux emballages écologiques.

Organiser la transition vers une utilisation et un transport de l’énergie plus efficaces et renouvelables

Les principales attentes des entreprises sont les suivantes :

  • Intégrer l’action climatique de la chaîne d’approvisionnement dans les processus décisionnels et les politiques d’achat des entreprises
  • Inciter et soutenir les producteurs agricoles pour réduire l’impact climatique de la production végétale et animale et améliorer le captage du carbone agricole.
  • Aligner les dépenses en capital, le développement de produits et la R&D sur un scénario de 1,5°
  • Organiser la transition vers une utilisation et un transport de l’énergie plus efficaces et renouvelables dans les opérations, la distribution et les chaînes d’approvisionnement
  • Améliorer le traitement, la fabrication et les emballages afin de réduire les émissions et les pertes de nourriture
  • Travailler en partenariat avec les pairs, les fournisseurs et les décideurs politiques pour favoriser la transformation du secteur

Les investisseurs ont un rôle important à jouer dans l’accélération de la transition vers le ‘net zéro’ dans l’industrie alimentaire en incitant les entreprises, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur, à prendre des mesures importantes pour soutenir cette transition. Cela inclut le dialogue avec les entreprises chimiques qui produisent des intrants agricoles tels que les semences et les engrais synthétiques, les entreprises qui produisent des machines agricoles, et les banques qui jouent un rôle clé dans le financement de la production de produits agricoles dans les marchés émergents.

Se fixer des objectifs de réduction

“Le changement climatique fait peser une série de risques importants sur le secteur de l’alimentation. Pour éviter ses pires impacts et permettre à notre société d’atteindre les objectifs d’un avenir ‘net zéro’, une action rapide est indispensable dans tout le secteur, et pas seulement à la marge,” dit Jared Fernandez, Analyste ESG et Responsable du vote par procuration chez Boston Trust Walden. “Pour ce faire, il faut aller au-delà de la simple réduction des risques et s’intéresser à l’innovation – en incitant les agriculteurs à réduire les impacts de la fabrication et de la production et en réorientant l’allocation du capital vers des entreprises en ligne avec un scénario à 1,5°. Le rapport Climate Action 100+ de stratégie sectorielle pour le secteur alimentaire fournit aux investisseurs des informations crédibles et exploitables pour engager et accélérer une transition au sein du secteur, ce qui contribue à atténuer les risques liés au climat au niveau du portefeuille.” ” Le secteur de l’alimentation et des boissons étant à l’origine de plus d’un quart des émissions totales de gaz à effet de serre, les entreprises ont non seulement la responsabilité mais aussi l’opportunité de réduire ces émissions,” dit Natalie Wasek, Responsable de la défense des intérêts des actionnaires chez Seventh Generation Interfaith Coalition for Responsible Investing. “Les investisseurs ont exhorté les entreprises de se fixer des objectifs de réduction, mais sans une collaboration totale du secteur et de la chaîne d’approvisionnement, la transition vers la décarbonisation n’a pas été possible. Les investisseurs recherchent des plans d’action pour tenir ces entreprises responsables de l’atteinte de leurs objectifs. L’initiative Climate Action100+ peut les y aider.”

Encadré

Quid du rapport ?  

Ce rapport de stratégie sectorielle fait partie d’un travail plus large nouvelles initiatives de travail de Climate Action 100+, un effort coordonné à l’échelle mondiale et mené par ses réseaux d’investisseurs fondateurs, en consultation avec les investisseurs majeurs, les signataires, les experts externes et les entreprises phares. Il représente aussi la première fois où les investisseurs de  Climate Action 100+ se sont collectivement engagés sur l’action climatique avec des secteurs spécifiques, et ont assuré un dialogue pour examiner comment assurer la collaboration intersectorielle afin d’accélérer les objectifs intermédiaires de décarbonisation.

www.climateaction100.org/wp-content/uploads/2021/08/Global-Sector-Strategies-Food-and-Beverage-Ceres-PRI-August-2021.pdf

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