Benjamin Declas : « Mise en service de quatre projets expérimentaux d'autoconsommation collective en 2018 »

Dès le mois d’avril 2016, EDF ENR solaire, leader français du photovoltaïque en toiture, a pris la décision de commercialiser 100% de ses offres à destination du résidentiel en autoconsommation sous la marque Mon Soleil & Moi. Un choix couronné de succès avec à la clé une croissance très forte de 70% des ventes. Avec dans la continuité une offre en collectif, Notre Soleil & Nous pour expérimenter ces nouvelles solutions d’avenir à la maille élargie. On fait le point sur l’ensemble des activités solaires d’EDF ENR Solaire avec Benjamin Declas, directeur général.

Plein Soleil : Avant d’aborder le sujet très tendance de l’autoconsommation, nous souhaiterions faire un focus sur les appels d’offres pour grandes toitures. Où en est l’activité d’EDF ENR Solaire sur ce secteur d’activité ?
Benjamin Declas : Il s’agit là d’un marché compliqué dans lequel nous tirons néanmoins notre épingle du jeu. Nous sommes sortis quatrième de la dernière session de l’ appel d’offres en juin. Nous réalisons entre 40 et 50 MW des projets par an avec une moyenne de tarifs qui se situe aujourd’hui entre 90 et 100 euros le MWh.

A ne pas réaliser les projets lauréats, la filière perd en crédibilité

PS : En quoi ce marché est-il si compliqué ?
BD : Quand on regarde certains projets montés sur des fondamentaux économiques douteux, on est en droit de se poser des questions. Quand on voit des tarifs en dessous de 80 euros le MWh et jusqu’à 73 euros même, on s’interroge sur la faisabilité in fine de ces projets. Il en va aussi là de la responsabilité de la profession de délivrer ensuite les volumes attendus. Nous avons réclamé des appels d’offres et nous les avons obtenus. Quand on voit au final que l’on atteint péniblement entre les toitures et le sol 500 MW par an contre 1,5 GW espéré pour atteindre les objectifs de la PPE, la filière perd en crédibilité. Il est à noter aussi qu’avec de tels tarifs toute la chaîne industrielle en pâtit.

PS : Quelles solutions apportées à ces dérives ?
BD : Je pense qu’il faut adapter les règles des appels d’offres pour que chaque MW lauréat soit au final un MW construit. Chez EDF ENR Solaire, nous ne déposons pas ce que nous ne sommes pas sûrs de construire. C’est la règle. Nous avons tous besoin de cette phase de construction. C’est le volume réalisé qui donne de la visibilité et qui permet de structurer la filière.

PS : En tant que constructeur d’installationsclés en main, combien de MW avez-vous réalisé et combien détenez-vous en propre ?
BD : Nous en sommes à près de 2 000 installations réalisées en B to B pour une puissance d’environ 500 MW et nous détenons en propre une centaine de MW. Nous sommes historiquement très actifs dans le monde agricole notamment via le développement de coopératives solaires. Nous montons des sociétés de projets pour le compte des agriculteurs qui en sont actionnaires à parts égales. Cela leur permet d’accéder à une nouvelle surface de stockage en mutualisant les coûts pour accroître leur capacité d’achat et mutualiser les risques. Nous présentons ainsi des grappes de projets aux appels d’offres comprenant une quinzaine de bâtiments avec une puissance de 150 à 250 kW chacun avec des panneaux Photowatt à bon bilan carbone.

Des clients résidentiels de plus en plus sensibles à l’origine des produits

PS : Ce sont les mêmes types de panneaux que l’on retrouve dans votre offre Mon Soleil & Moi dédiée à l’autoconsommation sur le marché du résidentiel ?
BD : Dans le résidentiel à l’inverse du B to B, les clients sont de plus en plus sensibles à l’origine des produits. Nous avons donc fait ce choix volontariste de ne proposer que du module français « full Photowatt » pour le résidentiel avec la volonté de développer cette filière verte en France.

PS : Autre choix volontariste, celui d’avoir délaissé les tarifs d’achat pour du 100% autoconsommation dans le résidentiel ?
BD : Nous avions déjà été les premiers à tester ces offres dés 2012 vers l’autoconsommation avant de prendre cette décision du 100% autoconsommation dès avril 2016. Depuis, nous avons connu une hausse de 70% de l’activité. Aujourd’hui, nous sommes leader de ce marché, avec environ 20% de parts de marché sur un marché très atomisé. Nous sommes portés par une très bonne dynamique de 500 ventes par mois. Nous n’avons pas d’offre standard, nous ne faisons que du sur mesure pour chaque client grâce à un outil de dimensionnement très efficace qui prend en compte les surfaces, les habitudes de consommation et le profil journalier grâce à une base de données de 13 000 profils types de consommation de maison. Notre panier moyen se situe aux alentours des 3,2 kW avec deux types de clientèle, celle sensible au taux d’autoconsommation, qui le maximise avec un générateur plus petit sur le toit, généralement 2 kW, et celle qui a la religion du taux de couverture et qui désire faire des économies substantielles sur la facture quitte vendre son surplus. A nous de trouver le bon équilibre entre ces deux taux. Le prix pour notre solution est d’environ 12 000 euros HT avec une offre de financement et tout l’accompagnement administratif inclus.

De 75 à 78% de taux d’autoconsommation

PS : Quel est le taux moyen d’autoconsommationque vous parvenez à obtenir ?
BD : Nous avons développé et intégré à notre offre un outil de pilotage intelligent des usages électriques de la maison, notamment l’eau chaude sanitaire et de suivi de consommation en fonction des usages. Avec Yuze, c’est ainsi qu’il s’appelle, les taux d’autoconsommationse situent entre 65 et 70%. Cela dit nous progressons encore grâce au travail réalisé par nos ingénieurs qui affinent les algorithmes et modifient les consignes avec des objectifs de taux entre 75 et 78%. Nos clients profitent en permanence des évolutions, la mise à jour du soft étant automatique. Nous avons aussi remarqué qu’à chaque fois qu’un client est équipé du suivi via sa tablette ou son smartphone, il change ses habitudes de consommation. Certains jouent le jeu jusqu’à atteindre des taux d’autoconsommation exceptionnels de 85% sans stockage.

PS : Le stockage justement parlons-en. Avez-vous une offre en la matière ?
BD : Nous proposons en effet une armoire plug and play jusqu’à 10 kWh par tranche de 3,3 kWh fruit d’un partenariat avec une start-up française. Son prix environ 2000 euros le kWh avec l’armoire et le convertisseur, fourni posé. Avant la vente de surplus entrée en en application début janvier 2017, plus de 10% de nos ventes incluaient du stockage. Aujourd’hui, c’est moins de 5% mais nous souhaitons continuer à les commercialiser pour être prêt le jour où elles se développeront plus massivement

PS : Quelles sont les motivations de vos clients ?
BD : Elles sont de trois ordres. Un, la volonté de produire eux-mêmes. Deux, le désir de maîtriser le coût sur une partie de leur facture dans la durée. Trois, la participation à la réduction des gaz à effet de serre. Vous savez, le potentiel de développement du marché est immense avec plus de 20 millions de maisons à équiper en France. Pour l’heure, le marché n’explose pas car les temps de retour sont encore trop importants. Au gré de la baisse des prix des systèmes, ce marché va croître de manière inévitable.

Nous portons l’ingénierie des projets de bout en bout

PS : Pouvez-vous SVP nous parler de votre offre d’autoconsommation collective Notre Soleil & Nous que vous avez lancée cette année ?
BD : Nous sommes en train de travailler sur un certain nombre de projets autour d’enjeux techniques forts qui prennent en compte le type de bâtiment, les charges pilotables, le chauffe-eau et chauffage électriques Mais aussi autour d’enjeux juridiques complexes avec la réunion du producteur et des consommateurs autour d’une même personne morale. Sans oublier l’ingénierie financière. Nous allons sortir et mettre en service quatre projets expérimentaux au cours de l’année 2018 : un résidentiel vertical neuf de 100 logements dans le Sud de la France en Occitanie., deux projets sont en cours avec du tertiaire et des logements, et un dernier plus complexe, à Lyon, mêle un millier de logements, du logement social avec accession à la propriété, des bureaux et des commerces. Il s’agit d’un îlot de cinq bâtiments, un bon cas d’usage pour établir la structure contractuelle. Sur la base du REX, nous analyserons s’il est pertinent de dupliquer ce type de projet.

PS : Quel est votre rôle au sein de ces projets ?
BD : Nous portons l’ingénierie de bout en bout pour nos clients. Nous travaillons en push sur différentes outils. Nous faisons par exemple une expérimentation via un réseau privé qui nous est propre sur la blockchain qui représente un outil possible de certification des éléments de comptage. Mais l’on demeure agnostique. La solution blockchain est séduisante certes mais l’on travaille aussi sur d’autres modes de certification. Nous prendrons la meilleure des solutions, la plus efficace. Dans tous les cas, dans le comptage, le principe est de valoriser celui qui est acteur de sa consommation et fait le plus appel au générateur.

PS : Vous évoquez des projets neufs. Quid dans l’existant ?
BD : L’autoconsommation collective dans l’existant est très compliquée commercialement. Nous nous sommes un peu cassés les dents auprès des copropriétés. Nous avons dépensé beaucoup d’énergie sans trop de résultats.

Pourquoi pas des appels d’offres pour l’autoconsommation collective ?

PS : Quel est l’avenir à court terme pour l’autoconsommation collective ?
BD : Il faut rester pragmatique. Notre rôle est avant tout aujourd’hui de pousser l’autoconsommation individuelle. Pour le collectif, les projets développés dans le neuf sont longs à mettre en place et prennent du temps. Le marché de masse n’est pas dans le collectif pour l’instant. D’ailleurs pour faire germer cette autoconsommation collective, il serait pertinent de la soutenir et de lancer des appels d’offres sur le sujet. Cela aurait du sens.

PS : Quels sont les futurs projets d’EDF ENR ?
BD : L’international. Nous avons pour objectif d’être présents et d’ouvrir des structures dans quatre nouveaux pays à horizon 2020. Nous lançons déjà une offre autoconsommation en Italie en 2018 en partenariat avec Edison. En Europe, nous scrutons avec intérêt la Grande-Bretagne. Nous avançons également des pions sur la plaque africaine. Nous développons ainsi nos premiers projets en B to B au Maroc et en Tunisie.

Encadré
EDF ENR Solaire en quelques chiffres

250 collaborateurs
70 millions d’euros de CA en 2017 et 90 millions attendus en 2018
20% de parts de marché en France en autoconsommation résidentielle (+70% de croissance)
Plus de 20 000 installations réalisées
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