Actualités/L’avenir du PV industriel français passe par l’innovation

Mercredi 12 juin, quatre experts de la filière photovoltaïque française sont venus portés la bonne nouvelle de la possible résilience de l’industrie PV européenne et française lors d’une table ronde intitulée « Le ‘Made in France’ pour la filière photovoltaïque en Europe ». Cette théorie prend corps alors que Marseille accueille début septembre cette année la conférence EUPVSEC, véritable référence de la recherche internationale sur les process photovoltaïques. Où quand l’amont de la filière, celle des laboratoires et instituts de recherche, portent les espérances d’une renaissance industrielle sur fond de rupture technologique !

« Cette conférence EUPVSEC de Marseille sera la COP 21 du photovoltaïque. Elle va donner l’impulsion pour une nouvelle étape du développement à grande échelle du photovoltaïque ». Pour Daniel Lincot directeur de recherche CNRS et directeur scientifique à l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF*), pas de doute la conférence EUPVSEC de Marseille intervient à un moment décisif pour la filière industrielle européenne. « Nous avons rêvé de la parité réseau. Aujourd’hui, le photovoltaïque est compétitif dans de nombreuses régions du monde au tarif de 20 dollars le MWh. Nous sommes désormais au vrai de point bascule de la mutation énergétique sous l’effet d’un véritable effet domino. Aujourd’hui en France, 2,3% de l’électricité que nous consommons est d’origine solaire photovoltaïque, il y a à peine dix ans, nous étions dans l’épaisseur du trait ».

Une fenêtre d’opportunités pour créer de nouvelles usines

Pour Florence Lambert, directrice du CEA-Liten, premier institut de recherche technologique européen entièrement dédié à la transition énergétique, la nouvelle évolution du marché du PV couplée aux ruptures technologiques en cours est l’occasion rêvée pour l’Europe de reprendre la main, un vrai point de redémarrage. « L’Europe va représenter plus de 10% du marché mondial dans les années à venir alors que se dessine une vraie rupture technologique et avec elle une fenêtre d’opportunités de créer de nouvelles usines en France ou en Europe. Ce serait un vrai danger, pis ce ne serait pas acceptable pour l’Europe de ne pas se battre pour ces technologies. C’est un sujet très important. Vous savez la rentabilité est comparable pour une usine en Europe ou en Chine. Tout est hyper automatisé » confie Florence Lambert qui aura l’honneur et la fierté d’être la présidente générale de la 36ème édition de EUPVSEC. Mais quelle est donc cette new tech apte à bousculer les équilibres et l’ensemble des chaînes de valeur de la filière industrielle PV mondiale aujourd’hui largement orientée vers le multicristallin ?

« La fertilité des convergences »

Cette technologie de rupture est à trouver dans la « fertilité des convergences » dixit Daniel Lincot. L’Hétérojonction, car c’est d’elle qu’il s’agit, est née de l’association du silicium amorphe des couches minces utilisé pour passiver les défauts de surface du cristallin. Ces cellules tandem pourraient atteindre des rendements de 30% d’ici à quelques années. « Aujourd’hui, de nombreuses solutions émergentes naissent d’association et de rapprochement de technologies éclectiques. Des mondes, des communautés qui s’ignoraient se parlent et font fructifier ensemble leur savoir faire. Les cellules PV à pérovskites sont par exemple nées de la rencontre entre l’imprimerie et la chimie. Il existe 23 catégories différentes de techno et donc un large foisonnement possible. Là où le rendement théorique du silicium seul plafonne à 29%, ces nouvelles combinaisons ouvrent les champs des possibles de rendement à 40 ou même plus de 50% » poursuit Daniel Lincot.

« Une gigafactory à technologie hétérojonction dans deux ans en France »

Et justement sur le plan de l’hétérojonction, la France est plutôt bien positionnée avec l’INES et son allié industriel Photowatt qui porte ses efforts spécifiquement sur sa technologie d’hétérojonction Monolike assisté par l’équipementier grenoblois ECM Greentech. « Dans ce contexte, un tel équipementier de haut niveau est fondamental. Il est le garant du process industriel à un coût objectif. Le CEA-INES a besoin d’un tissu industriel pour se projeter dans un temps d’incubation long. Ce ne sont pas des start-up qui sont en capacité de soutenir les temps longs du monde de l’énergie. A ce jour, nous avons traversé la Vallée de la mort. La première ligne de 200 MW de capacité en hétérojonction a été installée par la société italienne 3Sun à Catane via un investissement de 50 millions d’euros. Mais il ne faut pas s’arrêter là. Il y a même un caractère d’urgence. Nous disposons d’une vraie avance à l’échelle de quelques années. Nous devons la mettre à profit pour aller vite. Il nous suffit aujourd’hui d’appuyer sur le bouton pour viser dans deux ans un premier step, une gigafactory à technologie hétérojonction pour 200 millions d’euros en France. Une somme à portée de financements privés » estime Florence Lambert.

La règle des trois « 30 »

L’échelle du GW est devenue incontournable aujourd’hui car significative d’un certain effet d’échelle par rapport aux besoins du marché. « La gigafactory pèserait 25% du Plan Solaire français. Elle enclencherait un cercle vertueux très positif pour notre balance commerciale » analyse Florence Lambert. De son côté, Daniel Lincot évoque les trois « 30 » comme une ligne de conduite, une roadmap à suivre pour les dix ans qui viennent. 30% de rendement en 2030 à 30 centimes de dollars. « Le rendement c’est bien mais cela coûte cher, cela ne sert à rien. Aujourd’hui, on met un prix et une date en plus sur la table. Sans oublier la multiplication des applications à venir sur fond de « photovoltaïque everywhere » avec la chasse au watt dans la construction, l’automobile ou l’aéronautique » conclut Daniel Lincot. De quoi doper la commercialisation des cellules à haut rendement à hétérojonction, qui seront à n’en pas douter, parmi les stars de la conférence EUPVSEC de Marseille.
*IPVF : centre de recherche (ITE : CNRS, École polytechnique, Total, EDF, Air Liquide, Riber, Jobin-Yvon) dédié à l’énergie solaire photovoltaïque.
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