Séisme sur le secteur du photovoltaïque français : attention les répliques

Le syndicat Enerplan pointe les conséquences néfastes de la remise en cause des tarifs photovoltaïques. Et elles sont légions…Où les calculs à courte vue des comptables de Bercy !


1. A l’heure du plan de relance et des discussions de modifications des politiques de soutien (plafond du guichet, nouveaux AO), il est contreproductif de favoriser un discours stigmatisant sur le cout des EnR au moment où le gouvernement lui-même veut accélérer. Une fuite dans la presse n’est pas acceptable et peut abimer la confiance et la concertation entre l’Etat et les corps intermédiaires.

 

2. Le fondement juridique d’une telle décision est pour le moins hasardeux. Enerplan insiste sur le fait qu’un contrat d’achat est avant tout un contrat. De nombreux contentieux verront le jour, et qu’un passage en force sans fondement juridique sera nécessairement retoqué. Il y a des précédents européens, En outre, les textes de la directive européenne de 2018 en cours de transposition proscrivent toute remise en cause des aides d’état qui aurait “une incidence négative sur les droits conférés ni ne compromette la viabilité économique des projets bénéficiant déjà d’une aide”  (article 6 de la Directive européenne de 2018 sur la stabilité de l’aide financière). L’intérêt général serait la seule justification d’une telle remise en cause de droits acquis, ce qui est clairement sujet à caution.

3. Une telle remise en cause comporte en soi un vrai risque de « stop and go ». Ce type de mesure rompt la confiance des entrepreneurs, investisseurs et particuliers dans la parole et dans la signature de l’état sur les contrats de soutien aux EnR. Une remise en cause unilatérale fait craindre des mesures similaires dans 5, 10 ou 15 ans sur les contrats en cours ou à venir. C’est une véritable question industrielle et économique. Qui prendra désormais le risque d’investir et de développer si une épée de Damoclès plane sur la viabilité économique du projet ? En outre, l’impact potentiel de cette mesure sur les banques (qui sont exposées via la dette qu’elles ont accordé aux projets) et les investisseurs, fonds de pension ou encore compagnies d’assurance (qui sont exposés en fonds propres sur une proportion significative des projets concernés) est un risque primordial.

 

4. La confiance dans les contrats a conduit les banques à proposer des leviers très élevés : pour cette raison, la baisse de tarif peut entrainer de nombreuses sociétés projet à faire défaut, avec des pertes conséquentes substantielles pour le secteur bancaire, déjà fragilisé par la crise. A cela s’ajoute la dégradation de leur perception du risque des contrats solaires : il va sans dire que les banques y réfléchiront ensuite à deux fois avant d’accorder de la dette dans les mêmes conditions financières, ce qui se reflétera sur la compétitivité de l’électricité solaire décarbonée.

 

5. La mécanique du financement de projet est ainsi faite que les banques prêteuses disposent de plusieurs sûretés et garanties comme par exemple le nantissement des parts des sociétés projets). En cas de défaut de la Société de Projet Photovoltaïque, les banques saisissent l’actif, laissant les actionnaires supporter la perte. Le profil d’une partie importante de ces actionnaires (fonds de pension, compagnies d’assurance, investisseurs institutionnels) signifie que la retraite des épargnants français sera impactée. Le gouvernement est-il prêt à assumer cette responsabilité ?

 

6. Pour la collectivité, les coûts induits par cette mesure (coûts découlant de la perte de confiance : abandon de projets d’investissements, ralentissement du rythme de création d’emplois, hausse des taux et dégradation des conditions de financement, impact sur les retraites, etc) seront d’un tout autre ordre de grandeur que les quelques 600 millions d’€ d’économies espérées chaque année, lesquelles économies sont de toutes façons hypothétiques car liées au delta avec le prix de marché par nature imprévisible.
7. Enfin, Enerplan tient particulièrement à souligner que cette décision de remise en cause de certains contrats d’achat, poserait la question de la parole de l’État et de la confiance qu’il est possible de lui accorder. Question qui déborde la seule filière du solaire et intéresse tous les acteurs économiques, a fortiori dans un contexte de relance.
 

 

Cet article est publié dans Actualités. Ajouter aux favoris.

Les commentaires sont fermés