Reportage/Communauté d’énergie Renouvelable de Châteauneuf : éloge de la persévérance

Du chemin de croix d’un projet d’autoconsommation solaire collective né il y a trois ans déjà, aux fonts baptismaux de la création de l’association « Châteauneuf Energie » le 11 mai dernier, l’équipe municipale de Châteauneuf-Grasse  dans les Alpes-Maritimes n’a rien lâché dans sa volonté d’atteindre son objectif final de mettre en place une Communauté d’Energie sur son territoire. Avec l’indéfectible soutien du bureau d’études Tecsol, du cabinet d’avocat LLC et Associés et de l’opérateur public du réseau Enedis. Une persévérance qui finira par payer !

La persévérance est la noblesse de l’obstination. Et de persévérance, Emmanuel Delmotte, maire de Châteauneuf-Grasse, et son équipe n’en manquent pas. Persévérer, c’est l’implacable destin des pionniers, des défricheurs, des férus d’innovation qui plongent dans l’inconnu d’un nouveau monde en construction, d’une idée neuve en train de se faire avec des obstacles à lever, des chausse-trappes à éviter, des contraintes à contourner. Avec des lois qui évoluent sans cesse, des ordonnances dirimantes, des décrets comme autant d’Arlésiennes qui poussent à l’agilité et force à l’adaptation permanente. « Ce projet d’autoconsommation collective date de plus de trois ans. Il relève de notre intention sans faille de tendre vers la volonté d’accompagner la transition énergétique et solidaire de notre territoire. L’esprit qui anime toute l’équipe municipale est de donner du sens à l’action en y associant la communauté. Et justement, en ce 11 mai, jour de la première Assemblée Générale et de la création de l’association  « Châteauneuf Energie », nous passons le flambeau aux citoyens pour construire notre futur énergétique avec eux. Une étape importante est franchie. Une première brique capitale » confie avec beaucoup d’humilité monsieur le maire.    

L’opération d’autoconsommation collective a pour particularité d’être « multi-producteurs »

L’une des étapes essentielle dans un projet d’autoconsommation collective réside dans la constitution d’une Personne Morale Organisatrice (PMO). Cette dernière de forme associative est constituée des autoproducteurs et des consommateurs, dans le cas de Châteauneuf, quatre bâtiments de la Ville. Dénommée Châteauneuf Energie, l’association sera l’interface du gestionnaire du réseau public de distribution ENEDIS durant l’opération d’autoconsommation collective avec pour mission la transmission de la clé de répartition, des informations sur les entrées et sorties de nouveaux consommateurs, etc.  Le 11 mai dernier, l’association Châteauneuf Energie a donc été portée sur les fonts baptismaux. Autour d’une particularité singulière. Elle compte deux producteurs en son sein : la Ville de Châteauneuf avec le complexe municipal Le Plantier et un acteur privé, la famille Gurlé qui porte un projet d’autoproduction dans le cadre de la rénovation de sa résidence de Châteauneuf. Aussi importante soit-elle, la création de la PMO ne demeure qu’une étape pour l’audacieuse équipe municipale de Châteauneuf qui vise plus loin encore : la Communauté d’Energies Renouvelables. L’opération de Châteauneuf pourrait ainsi devenir l’une des premières communautés énergétiques de France.

L’implacable volonté d’élargir l’autoconsommation collective à l’ensemble du territoire

D’un projet, l’autre. La possibilité qui s’offre à des opérations qui durent dans le temps, est de pouvoir évoluer au rythme des changements de réglementations portées par des lois nouvelles et des aspirations collectives inspirantes. Alors que l’ordonnance n°2021-236 du 3 mars 2021 entrera en vigueur le 1er juillet 2021, et que son décret d’application est encore à l’étude, les élus de Châteauneuf ont sauté sur l’occasion et ont donc réfléchi par anticipation à entrer cette opération de partage d’énergie dans le moule de la communauté d’énergie renouvelable.  La Ville de Châteauneuf souhaite en effet que l’ensemble de ses habitants puisse participer (en tant que consommateurs et/ou producteurs) à la transition énergétique du territoire. Reste qu’un nouvel obstacle vient entraver la nouvelle initiative. « Il est très contraignant de respecter les règles pour être une communauté d’énergie renouvelable. Par exemple, une communauté peut être PMO, alors qu’une PMO ne peut pas être communauté dans le cas où la PMO relève du statut de l’association. Ce qui est le cas pour Châteauneuf Energie et de nombreuses autres PMO en France » souligne Alexandra Batlle, responsable juridique du bureau d’études Tecsol. Une des solutions possibles : créer une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), une entreprise coopérative constituée sous forme de SARL, SAS ou SA à capital variable qui a pour objet “la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité social ». Une lourdeur administrative de plus alors qu’une association, souple fiscalement, peut tout à fait jouer ce rôle ! Là encore, la municipalité fera face…

Les contours techniques du projet 

Sur le plan technique, la Ville de Châteauneuf a confié au bureau d’études Tecsol une mission d’étude de faisabilité de l’opération d’autoconsommation collective sur son territoire. L’étude a conclu à la pertinence de déployer une installation photovoltaïque sur un préau, façon ombrière de 36 kWc sur le parvis du complexe sportif Le Plantier : infrastructure de sports et loisirs comportant également un réfectoire et une cuisine centrale. La conception de ce bâtiment récent est bioclimatique et respectueuse de l’environnement. Le Plantier comprend déjà une unité de micro-cogénération biogaz.  « Cette ombrière photovoltaïque devrait être installée sur structure bois, plus esthétique, pour un coût d’investissement de100 000 € environ avec un temps de retour de 14,7 ans. La production, estimée à 49 MWh, a vocation à être autoconsommée en partie par le complexe Le Plantier. Le surplus, qui ne sera pas consommé par Le Plantier, sera affecté à trois autres bâtiments municipaux, selon le principe de l’autoconsommation collective étendue définie à l’article L.315-2 du code de l’énergie » estime Elodie Leca, ingénieure au BE Tecsol. Les trois autres bâtiments municipaux sont : Le groupe scolaire « Lei Pichouns », qui comprend une école maternelle et une école élémentaire ; la salle polyvalente « La terrasse des arts », qui accueille majoritairement des festivités de toute sorte : spectacles, cinéma, réception, repas, élections et l’hôtel de Ville de Châteauneuf. La consommation annuelle totale des quatre sites a été estimée à 344 MWh. L’installation solaire devrait ainsi couvrir 14% des besoins de ces bâtiments municipaux.

Environ 26% des besoins d’électricité des quatre bâtiments municipaux couverts

Deuxième étage de la fusée. Afin de maximiser la couverture des besoins d’électricité des quatre bâtiments municipaux, l’opération intègre également le surplus de la production photovoltaïque de la famille Gurlé, qui porte un projet d’autoproduction dans le cadre de la rénovation de sa résidence de Châteauneuf. La puissance de ce projet est estimée à 93 kWc. « Les deux installations de production seront situées à moins de deux kilomètres l’une de l’autre et l’ensemble des participants sera contenu dans un cercle d’un rayon d’un kilomètre, respectant ainsi le critère de proximité géographique lié à l’autoconsommation collective étendue » poursuit Alexandra Battle. Grâce aux installations photovoltaïques du Plantier et de la famille Gurlé, la Ville de Châteauneuf bénéficiera d’économies de factures d’électricité, de l’ordre de 7 300 € dès la première année d’exploitation, et couvrira en énergie solaire approximativement 26% des besoins d’électricité des quatre bâtiments municipaux. Après un an de fonctionnement de l’installation photovoltaïque de la famille Gurlé, il sera possible d’évaluer si le surplus de cette installation est suffisamment important pour couvrir les besoins d’autres bâtiments de la Ville ou d’autres consommateurs potentiels du territoire. « Châteauneuf n’en est qu’au début de l’histoire de son destin énergétique. A terme, c’est l’autonomie que nous visons. Et notre potentiel solaire, entre les toitures, les serres agricoles ou les éventuelles centrales flottantes, est à la hauteur de notre ambition » conclut Emmanuel Delmotte, prêt à relever tous les défis, même les plus kafkaïens de l’administration françaises.

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