La fréquence des prix négatifs de l’électricité devrait atteindre des niveaux records dans certaines parties de l’Europe après que la production solaire a atteint de nouveaux sommets au deuxième trimestre de cette année. C’est ce qu’il ressort d’un nouveau rapport sur le marché européen de l’électricité publié par l’analyste de données énergétiques Montel Analytics.
L’étude a mis en évidence une tendance croissante des prix négatifs à travers l’Europe, la zone de prix SE2 de la Suède enregistrant le plus grand nombre (506 heures) au cours des six mois précédant la fin du mois de juin. Cette baisse s’explique par des entrées d’hydroélectricité exceptionnellement fortes, des goulets d’étranglement dans le secteur du transport, des changements dans le couplage du marché fondé sur les flux et l’augmentation continue de la capacité renouvelable.
Les recherches de Montel montrent également que :
- le nombre d’heures négatives a dépassé 300 en Espagne (459), aux Pays-Bas (408), en Allemagne (389), en France (363), en Belgique (361), en Finlande (363), au Danemark 1 (326).
- presque tous les pays européens connaissent une augmentation du nombre d’heures de ce type cette année, et cette tendance devrait se poursuivre à l’avenir.
La tendance des prix inférieurs à zéro est principalement due à la hausse des niveaux de production solaire, qui ont atteint un niveau record au cours des trois mois précédant juin. La production solaire totale au deuxième trimestre s’est élevée à 104,4 TWh, l’Allemagne (29,0 TWh), l’Espagne (15,8 TWh) et la France (9,9 TWh) étant les principaux contributeurs. Les plus fortes augmentations par rapport au T2 2024 ont été observées en Allemagne (4,9 TWh, 20 %) et en Grande-Bretagne (2,1 TWh, 40 %), la France, la Suisse, la Roumanie et la Belgique enregistrant des taux de croissance de 30 % ou plus.
Alors que les résultats de l’énergie solaire étaient élevés, le charbon/lignite a chuté à un niveau record de 52,5 TWh, soit une baisse de 11 % par rapport au T2 2024. La Pologne a le plus contribué à cette baisse, avec une baisse de 22 % et 16 % de sa production de charbon et de lignite respectivement par rapport au T2 2024, tandis que l’Italie, l’Espagne, la Roumanie et la Hongrie ont également connu de fortes baisses de leur production relative.  « Les prix négatifs de l’électricité devraient atteindre des niveaux records dans certaines parties de l’Europe au troisième trimestre. Cette tendance est alimentée par l’expansion continue des capacités renouvelables, en particulier dans le solaire, sans une augmentation proportionnelle de la demande sous-jacente. L’Europe centrale et occidentale devrait connaître les écarts les plus importants entre la production solaire de midi et les pics de demande du soir. L’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique devraient continuer à connaître des prix fortement négatifs dans l’après-midi, suivis de prix élevés le soir à mesure que la capacité de production de combustibles fossiles augmente” analyse Jean-Paul Harreman, directeur chez Montel Analytics. Un schéma similaire se dessine dans certaines parties de l’Europe du Sud-Est. Cependant, les limites de l’infrastructure du réseau et de la capacité d’interconnexion transfrontalière devraient réduire la capacité de cette région à bénéficier de prix plus bas sur les marchés voisins. Le rapport Montel a également mis en évidence les points de tension régionaux qui étaient la production hydroélectrique et thermique, L’Europe centrale, du sud et du sud-est connaît actuellement des niveaux de réservoir plus faibles par rapport à la même période en 2024. Si les températures estivales supérieures à la moyenne persistent, cela pourrait augmenter le risque de resserrement de l’approvisionnement, tant en termes de capacité de production hydroélectrique que de navigabilité fluviale. Les faibles niveaux des réservoirs peuvent également se traduire par une baisse des débits des rivières, ce qui affecterait les niveaux de production thermique.
“Ce trimestre pourrait être marqué par une volatilité importante des prix”
Les développements géopolitiques devraient rester une force dominante sur les marchés européens de l’électricité, le conflit en cours en Ukraine, l’instabilité dans certaines parties du Moyen-Orient et l’évolution des positions politiques énergétiques aux États-Unis contribuant à la volatilité persistante des marchés mondiaux du GNL et du gaz. À leur tour, ces facteurs sont susceptibles d’exercer une pression à la hausse supplémentaire sur les prix de gros du gaz et de l’électricité en Europe, car les pays prennent des mesures supplémentaires pour sécuriser les stocks de gaz avant la saison hivernale 2025-2026. Jean-Paul Harreman poursuit : « Pour les acheteurs industriels et les gros consommateurs, ce trimestre pourrait être marqué par une volatilité importante des prix. L’apparition simultanée de prix intrajournaliers extrêmement bas et extrêmement élevés, en raison des modèles de production solaire, des contraintes nucléaires et des limites d’infrastructure, présente à la fois des défis opérationnels et des risques d’approvisionnement. Il est conseillé aux industries énergivores de surveiller de près l’évolution du marché et d’évaluer l’exposition aux pics de prix, en particulier en fin d’après-midi et en début de soirée”.
“Les défis structurels auxquels est confronté le système électrique européen de l’ère de la transition”
Le T3 2025 devrait également être marqué par la persistance de contraintes sur le parc nucléaire français. Les pannes liées à la corrosion restent un facteur, la gestion de la production devant impliquer une modulation continue de la demande et de l’offre d’énergies renouvelables. La température de l’eau est une variable critique. Les restrictions sur l’utilisation de l’eau de refroidissement, déclenchées par les températures élevées des rivières, peuvent limiter la production nucléaire, en particulier pendant les pics de chaleur de l’après-midi. Des effets d’entraînement pourraient être observés en début de soirée, où les pays voisins dépendants des exportations françaises pourraient être contraints d’activer une production thermique domestique plus coûteuse à mesure que la production solaire diminue. Les problèmes nucléaires français, combinés aux prix négatifs, aux risques géopolitiques, aux contraintes hydroélectriques et aux goulets d’étranglement des interconnexions, créent un environnement difficile pour les dirigeants européens qui tentent de passer à un avenir net zéro. Et Jean-Paul Harreman de conclure :« Ensemble, ces dynamiques dressent un tableau complexe : un tableau dans lequel des prix historiquement bas et des pics nocturnes record peuvent coexister, soulignant les défis structurels auxquels est confronté le système électrique européen de l’ère de la transition. »