Inauguration d’une ligne de 65 MW chez Solarezo : Un développement post moratoire contrarié

Vendredi 20 mai 2011, Evence Richard, préfet des Landes, Henri Emmanuelli, président du conseil général des Landes et Alain Rousset président de la région Aquitaine ont appuyé conjointement sur le gros bouton symbolisant la mise en route de la nouvelle ligne de production de modules photovoltaïques (65 MW de capacité pour 7 millions d’euros d’investissement) de l’usine Solarezo de Pontonx sur Adour. Une inauguration sur fond de crise de la filière photovoltaïque et qui a été l’objet d’un émouvant appel à la solidarité de la part de Laurent Giraud, PDG de Solarezo ! Ambiance !

Près de deux cents invités, une euphorie perceptible, des félicitations à foison, l’heure semblait bien à la fête en ce vendredi 20 mai estival dans la magnifique usine de la société Solarezo, ex usine Sony, nichée à l’ombre des pins landais à Pontonx sur Adour. Une fois le ruban coupé, cet aréopage prestigieux a même eu droit à une visite en bonne et due forme de cette nouvelle ligne d’assemblage de modules de dernière technologie. Et les indications fournies sont à la hauteur de l’outil présenté : automatisation à 80%, composants rigoureusement sélectionnés (du silicium au verre en passant par les cellules), contrôle qualité de bout en bout de la chaîne, un module produit toutes les deux minutes soit une capacité annuelle de 260 000 panneaux, possibilité de fabriquer un large éventail de produits de 190 à 300 W etc. Cet outil ultra performant vient rejoindre une ligne déjà existante de 10MW de capacité capable de répondre à des demandes plus spécifiques et dans laquelle Sony avait investi en quête de résilience, portant la capacité totale de l’usine à 75 MW. Avec cet investissement de près de sept millions d’euros, l’entreprise Solarezo s’est donc donnée les moyens de devenir un acteur majeur de l’industrie photovoltaïque française, capable de proposer des offres globales pour le bâtiment : Développement, conception, fabrication, exploitation, maintenance. Le tout avec un fort ancrage à l’international. Cette initiative est le fruit de la persévérance de ses dirigeants et de son principal actionnaire (à hauteur de 47%) à savoir le groupe chimique DRT (Dérivés Résiniques et Terpéniques) né en 1932 et spécialiste de la colophane et l’essence de térébenthine extraites de la résine du pin. Des hommes de bonne volonté prêts à relever le défi du Grenelle de l’Environnement et d’une nouvelle conception de l’avenir énergétique du pays.

Eviter le feu de paille

Oui mais voilà ! L’élan du marché du photovoltaïque en France s’est brisé à l’aune d’un nouveau cadre réglementaire, certes nécessaire pour faire la chasse aux spéculateurs peu scrupuleux, mais mal ficelé et cruellement géré. Cette inauguration vient juste après un moratoire assassin pour la filière et un nouvel arrêté tout aussi dirimant avec son quota de puissance fixé à 500 MW par an. C’est ainsi. L’incongruité de cette inauguration réside donc finalement dans son calendrier. L’usine de Solarezo qui a créé plus de cent emplois ces deux dernières années monte en capacité au moment où le marché français vit d’ores et déjà des heures difficiles. Le gouvernement français aurait-il laissé tomber ces aventuriers de l’entreprise du renouvelable qui ont crû à un printemps énergétique français ? Des professions de foi du Grenelle, du discours de Nicolas Sarkozy à Chambéry, des paroles aux actes, que reste-t-il aujourd’hui ? Pas de quoi cependant décourager Laurent Giraud, PDG de Solarezo, qui n’oublie pas pour autant de lancer un vibrant et émouvant appel à la solidarité. « En reprenant l’usine, nous avons développé une activité de recherche et développement, nous avons créé des emplois, près d’une centaine, nous avons investi dans des technologies de haut niveau, nous avons lancé des activités au Maroc et mis un pied en Inde, nous nous sommes aussi diversifiés dans la biomasse. Pourquoi avons-nous fait tout cela ? Ce sont des choix contraints pour durer. Tel est le destin d’une PMI comme la nôtre, loin des préoccupations de grands groupes mondialisés comme Michelin ou Saint-Gobain. Nous voulons éviter le feu de paille, nous sommes là pour durer. Voulons que la France devienne un vaste bureau, un espace uniquement tertiaire et financier sans agriculteur ni industrie ? Allons-nous ne laisser que des dettes à nos enfants ? Bien sûr que non, bien sûr que non ! » martèle, ému, le chef d’entreprise.

« Les critères des appels d’offre doivent prendre en compte les la filière française »

Pour Laurent Giraud, la solution passe avant tout par la solidarité qui doit jouer à plein. Alors certes, il y a bien les aides financières qui ont été des catalyseurs du démarrage de Solarezo. Dans le cadre de la revitalisation du site de Pontonx, l’Etat a alloué une somme de un million d’euros au titre de la prime d’aménagement du territoire. Le conseil régional d’Aquitaine et le conseil général des Landes se sont prononcés favorablement pour une subvention d’un montant de 500 000 euros. Des sommes, certes importantes, mais qui restent à relativiser eu égard à l’investissement et aux cinq millions d’euros annuel de frais de personnel. « La solidarité doit aussi s’exprimer dans d’autres champs comme par exemple l’ingénierie administrative, entre les services décentralisés et les services de l’Etat. Arrêtons ainsi de changer tout le temps les règles du jeu et admettons qu’une filière française ne peut pas vivre avec 500 MW annuel ! Il faut mettre en place une nouvelle ingénierie pour générer des volumes supérieurs avec les Régions et la volonté de transition du mix énergétique français. Il n’est pas possible qu’il ne se passe rien avant les élections présidentielles de 2012 » assène un peu anxieux Laurent Giraud qui Å“uvre avant tout pour remplir son carnet de commandes, la vocation d’un chef d’entreprise. Pour l’heure, il est clair que le moratoire a fait sérieusement dégonfler ce carnet de commandes, même s’il reste encore plusieurs dizaine de MW dans le « pipe » avec de beaux projets qui, à eux seuls, dépassent le quota français de MW dévolus aux centrales au sol. Et Laurent Giraud d’évoquer le principe des appels d’offre à venir, ceux qui se font attendre tel un Godot chez Beckett ou les Tartares dans le désert éponyme de Buzatti. L’urgence est là et ce n’est pas tout. « Ces critères devront prendre en compte la filière française en cohérence avec les critères internationaux. Ils pourraient retenir les notions d’emplois, de localisation, de bilan carbone, de technologie » lance le PDG de Solarezo. Une pincée de protectionnisme en somme dans une Europe aux principes ultra libéraux qui compliquent la donne. De l’autre côté de l’Atlantique, le libéralisme anglo-saxon est davantage à géométrie variable. Les Canadiens ont réalisé des appels d’offre nantis de critères restrictifs ce qui a eu pour conséquence directe de relocaliser au pays une unité de production du groupe Canadian Solar. Et pourquoi pas en France ?

« On ne peut pas réussir tout seul »

Dans ce contexte, la future centrale solaire en ombrières de 12 MW du Parc des Expos de la ville de Bordeaux relève là aussi du symbole, surtout dans cette période post-moratoire. C’est bien le groupe EDF EN qui portera ce projet avec un tarif fixé à 42 centimes d’euro. Début des travaux attendu à la fin du printemps après Vinexpo et la foire de Bordeaux pour une fin de chantier et un raccordement programmés pour avril 2012. Mais quid des panneaux ? Le sort serait déjà scellé autour d’une origine chinoise. Pourtant, dans cette dernière ligne droite, il se murmure que des tractations politiques seraient en cours pour apporter une composante locale, tant pour le matériel que pour la main d’Å“uvre qui le fabrique. « Nous voulons travailler sur ce dossier du Parc des Expos, nous allons nous accrocher jusqu’au bout. Seul nous ne pouvons rien. Nous devons nous regrouper entre acteurs publics et privés de la filière. Nous devons travailler ensemble et proposer une offre compétitive. Nous parlons aussi avec Yann Maus de Fonroche pour voir si l’on peut faire quelque chose ensemble sur ce projet. J’ai la conviction profonde que l’on ne peut pas réussir tout seul » confie Laurent Giraud. On vous l’a dit, un chantier symbolique ! Pour l’heure, la nouvelle ligne de Solarezo ne tournera pas encore à plein régime avec trois équipes en trois/huit. « Aujourd’hui, les conditions sont telles que nous allons affecter une seule voire deux équipes sur la ligne. Nous avons encore quelques affaires avec des toitures agricoles, du tertiaire et un peu de résidentiel et le Maroc commence à pointer le bout de son nez » annonce malgré tout sereinement Laurent Giraud confiant dans la R&D. Solarezo joue ainsi un rôle important dans le cluster photovoltaïque aquitain Sysolia et collabore avec plusieurs laboratoires de recherche en France, notamment en Rhône-Alpes, dans le cadre de programmes d’innovations incrémentales ou de rupture.. « La stratégie de l’entreprise est adaptée à la disparition du tarif d’achat mais j’avoue que nous avons été surpris de l’accélération du processus » conclut-il. Solarezo se voit contrainte de changer de braquet plus vite que prévu. Et une bonne dose de solidarité ne sera pas de trop pour réussir cette mutation accélérée.

« Notre système s’est trop reposé sur le nucléaire »

Interpelés par Laurent Giraud, les politiques et les institutionnels présents lors de cette inauguration plaident la fierté d’avoir mis en place cette reconversion industrielle sur fond de volontarisme. Alain Rousset, président de la Région Aquitaine, première région en matière d’emplois verts en France, voit dans cette nouvelle ligne « quelque chose de magique et de peu banal, une belle chose et un élément d’optimisme que nous sommes heureux d’inaugurer avec vous car telle est le pari de la Région Aquitaine, investir dans le transfert de technologie ». Mais au-delà de ce satisfecit, Alain Rousset pose aussi les bonnes questions. « Une usine d’assemblage, c’est bien mais sur la cellule, sur l’outillage ou la robotisation, on est où ? Cela soulève des inquiétudes. Pour développer des projets industriels éoliens ou solaires, nous devons aller en Allemagne ou en Espagne pour voir des investisseurs. Pourtant, nous avons des talents, ce ne sont pas les idées qui manquent. Je crois que notre système s’est trop reposé sur le nucléaire et que nous n’avons pas eu besoin de nous poser ces questions » souligne le président de la Région. Alain Rousset stigmatise également le « pêché mortel de la centralisation jacobine ». « Les Etats qui réussissent sont des états décentralisés comme l’Allemagne et l’Espagne. A nous présidents de région de compenser l’absence de volonté de l’Etat sur ce sujet » poursuit-il comme une réponse au désir de solidarité. Henri Emmanuelli pointe lui aussi du doigt les carences du gouvernement. « Tout le monde veut développer le créneau industriel des énergies renouvelables mais personne ne finance. Je constate le vide abyssal du gouvernement lorsque l’on doit passer aux travaux pratiques et j’en veux pour preuve la situation catastrophique de l’industrie en France dont le taux par rapport au PIB est passé de 30% dans les années 80 à 13% aujourd’hui. Il faut redresser ce taux. Pendant trente ans, on nous a bourré la tête avec la société post industrielle et l’on m’a traité d’archaïque et de dinosaure. Pour moi, la notion de société de la connaissance relève plus de la phraséologie que d’autre chose » s’agace le président du conseil général des Landes.

Le temps presse

Alors c’est vrai, Henri Emmanuelli s’est un peu inquiété pour sa forêt landaise lors de l’explosion du marché et de la formation de la bulle spéculative autour du photovoltaïque. Il s’en est ému avec le préfet Evence Richard. Plus de 6000 hectares de panneaux au sol étaient programmés sur les 700 000 hectares que compte le massif. « Par rapport au massif, cela demeurait tout de même mesuré. Aujourd’hui, après le moratoire, je crois que certains projets vont se réaliser. Je vous souhaite en tous les cas ici à Solarezo de retrouver un panier d’équilibre. Pour l’heure, tout le monde est tétanisé. Mais je suis certain uqe les investissements réalisés ici trouveront leur justification. Je suis optimiste. L’envolée des énergies renouvelables ne va pas s’arrêter là. Elles représentent la modernité et l’avenir » déclame Henri Emmanuelli avec l’emphase qu’on lui connaît. Entre toutefois, enthousiasme et pragmatisme ! Mis en cause, l’Etat, par la voix du préfet Evence Richard, reconnaît l’urgence qu’il y avait à donner de la visibilité au secteur. Quid des appels à projets ? « Nous avons fait remonter la préoccupation des acteurs de la filière sur des projets avancés mais les enjeux financiers sont colossaux. Les arbitrages sont difficiles dans le contexte budgétaire tendu » annonce-t-il. Le préfet des Landes évoque les coûts sans jamais penser aux bénéfices que la constitution de cette filière induits, tant sur le plan de l’emploi que de l’approche environnementale. Et Solarezo est justement un formidable exemple de retour sur investissement de la filière sur cette thématique, entre revitalisation d’un site et création d’emplois. Et même si personne ne le dit, les charges courent et le temps presse.
Encadré

Solarezo, c’est aussi la biomasse

En quête de diversification, Solarezo a lancé en 2010 une filière biomasse. La société dispose ainsi d’une plateforme de stockage de bois, au cÅ“ur du premier massif européen, à Ygos d’une capacité de 250 000 tonnes sur une surface de 40 hectares. Au-delà du solaire, Solarezo c’est donc aussi une offre de biocombustible de qualité.

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