Face au défi de la production d’énergie dans l’agriculture, l’agrivoltaïsme plébiscité

Mardi 21 juillet 2020, Jean-Luc Fugit, député, et Roland Courteau, sénateur et vice-président de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), ont présenté les conclusions de leur rapport sur “L’agriculture face au défi de la production d’énergie”, fait au nom de l’OPECST, présidé par Gérard Longuet, sénateur, et Cédric Villani, député. L’agrivoltaïsme tire son épingle du jeu. Décryptage !

Au moment où la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique appellent à renforcer le développement des énergies renouvelables et où l’agroécologie permet de penser les productions agricoles à la lumière des fonctionnalités offertes par les écosystèmes, l’agriculture peut jouer un rôle pivot dont nous ne pouvons ni ne devons faire l’économie.

La première fonction de l’agriculture doit demeurer celle de produire notre alimentation

À la croisée des enjeux climatiques et énergétiques, l’agriculture doit relever les défis de la production végétale et animale indispensable pour notre alimentation, de la moindre émission de gaz à effet de serre, du stockage du carbone dans les sols, du maintien voire de la reconquête de la biodiversité, de la récupération des déchets mais aussi de la production d’énergies renouvelables. L’agriculture permet de mobiliser des terres et des matières premières nécessaires à la production d’électricité, de gaz, ou de carburants. Ce n’est ni une question secondaire ni un enjeu conjoncturel, mais un sujet majeur aux implications multiples pour l’environnement et le climat, pour ses conséquences en matière d’aménagement des territoires, d’organisation des filières et des exploitations agricoles, y compris sur un plan économique. Pour autant, les productions d’énergies renouvelables issues de notre agriculture ne suffiront pas à redessiner le mix énergétique national ou international. Les cultures alimentaires doivent toujours primer sur les cultures strictement énergétiques et lorsqu’une même production peut avoir les deux usages, sa vocation alimentaire doit primer sur sa valorisation énergétique. La première fonction de l’agriculture doit demeurer celle de produire notre alimentation : l’énergie ne peut pas entrer en compétition avec cette dernière. Les solutions de développement conjoint des deux activités sont donc à développer.

13% du photovoltaïque produit dans le secteur agricole

En France, le secteur agricole, avec un minimum de 50 000 exploitations concernées par la production d’énergie, assure déjà 20 % de la production d’énergies renouvelables (396 GWh, soit 3,5 % de la production nationale d’énergie). Certaines énergies sont davantage produites dans le secteur agricole : 96 % de la production nationale de biocarburants, 83 % pour l’éolien, 26 % pour le biogaz, 13 % pour le solaire photovoltaïque et 8 % pour la biomasse chaleur. Selon les scénarios prospectifs de l’Ademe, de NégaWatt ou encore de Solagro, cette production est amenée à croître de manière rapide pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050. Une multiplication par 3, passant de 4,6 Mtep à 15,8 Mtep, est envisagée. Le rapport présente le détail de ces potentialités de production d’énergies renouvelables dans le secteur agricole, énergie par énergie. Il montre la pluralité des enjeux : économiques, financiers, technologiques, d’acceptabilité sociale, de formation, d’usage et d’accès aux terres agricoles. Le rapport en dresse, pour la première fois dans un document de synthèse, le bilan en termes d’impacts environnementaux, de rendement, d’acceptabilité sociale et de perspectives technologiques. Il fournit aussi une comparaison internationale entre sept pays et récapitule les analyses existantes au sein des institutions européennes.

L’agrivoltaïsme permet de concilier l’activité agricole avec l’activité de production d’énergie

Focus sur le foncier agricole qui est peu disponible en France, alors même que l’artificialisation des terres réduit encore chaque année les ressources foncières disponibles. Le rapport de la mission d’information commune sur le foncier agricole des députés Anne-Laurence Petel et Dominique Potier met bien en valeur ces questions. Certaines EnR, comme les biocarburants ou l’électricité photovoltaïque au sol sont, largement consommatrices de terres agricoles et sont donc très limitées dans leurs perspectives de développement. Ce frein au développement du photovoltaïque en France entrave les acteurs nationaux qui peinent aujourd’hui à installer les capacités prévues par la PPE. L’accès au foncier demeure donc le problème principal pour les centrales photovoltaïques au sol avec une cohérence perfectible sur la classification de la nature des surfaces, et ce même dans le cas de centrales photovoltaïque adaptées au pastoralisme. Dans ce contexte, en plus de l’agrivoltaïsme et du PV sur bâtiments et toitures, les projets sur des friches industrielles ou des terres stériles semblent une alternative à privilégier. De manière corollaire au point précédent, l’accès aux terres agricoles pour la production d’énergie, surtout pour le photovoltaïque au sol, peut induire des conflits d’usage, préjudiciables aux cultures alimentaires (végétales et animales). C’est pourquoi le présent rapport défend le principe d’une priorité donnée aux productions alimentaires sur les autres activités agricoles, dont celles de production d’énergie. L’agrivoltaïsme présente à cet égard un grand intérêt puisqu’il permet de concilier l’activité agricole (cultures ou élevage) avec l’activité de production d’énergie, sans consommer de terres agricoles. Reste l’enjeu du stockage de l’énergie. Le stockage de l’énergie est un sujet décisif pour les sources d’énergie intermittentes que sont le photovoltaïque et l’éolien. Leur intégration et leur développement dans le monde agricole sont corrélés à diverses techniques de stockage telles que les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), les batteries et surtout l’hydrogène.

Encadré

La proposition n°16 autour du photovoltaïque

Pour les projets photovoltaïques, utiliser le levier des seuils des appels d’offre et des guichets ouverts et soutenir l’agrivoltaïsme, pour éviter l’artificialisation des sols et recourir le plus possible aux technologies innovantes comme l’intelligence artificielle.
www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2020/2020-Documents_pdf/20200721_OPECST_rapport_agriculture_production_energie.pdf

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