Columbus Consulting : les producteurs d'électricité européens face aux phénomènes des consom'acteurs

Le cabinet de conseil en management Colombus Consulting publie les résultats de la troisième édition de son étude consacrée à la santé financière des producteurs d’électricité européens. La santé financière s’améliore en 2018, combinaison de choix stratégiques et de conditions favorables. « L’embellie de ce début d’année 2018 est due en grande partie à l’augmentation des prix sur le marché de gros mais aussi des volumes de production, observe Sanaâ Bensaid, consultante chez Colombus Consulting, cette situation a permis à 9 des 13 plus grandes entreprises du secteur d’augmenter leur chiffre d’affaires (+6 % en moyenne), de même que leur EBITDA (+3 % en moyenne). »

Les producteurs quittent le statut de pure players de la production pour un portefeuille de plus en plus large d’activités, et certaines branches d’activités influencent positivement les résultats. Ainsi, les divisions comprenant les actifs de production renouvelable hors hydroélectrique affichent majoritairement des résultats moins encourageants (- 20 %* pour EDF Énergies Nouvelles) que les divisions composées activités régulées et de services (+ 11 %* pour les activités régulées d’EDF en France, + 159 % pour Fortum Consumer Solutions) et les actifs de production classique (+ 46 %* pour les activités françaises de génération et de commercialisation d’EDF).
*évolution de l’EBITDA sur S1 2018

Un contexte marché marqué par la baisse des capacités de production et d’importantes ventes d’actifs

En Europe, la baisse des capacités de production se poursuit, sous l’influence de la transition énergétique, tandis que la consommation augmente, sous l’impulsion des pays de l’Est en plein essor économique. En cause, la combinaison de plusieurs facteurs : le vieillissement des infrastructures, le démantèlement des actifs nucléaires, mais aussi la hausse des exigences environnementales à l’origine de la fermeture de nombreuses centrales thermiques, auparavant relativement importantes dans le mix énergétique européen. Cette tendance traduit le manque d’incitation à l’investissement dans des capacités de pointe ou de semi-pointe qui ne sont plus rentables avec le développement de la production renouvelable. Pour pallier cette situation, des initiatives peuvent être prises individuellement par les différents pays. Ainsi, la France a mis en place un marché de capacités rémunérant les producteurs pour la disponibilité de leurs actifs.

Également, les ventes d’actifs de sources thermiques ont permis d’embellir rapidement les résultats financiers des producteurs d’électricité. Si sept de ces entreprises affichent toujours une perte de chiffres d’affaires sur la période, la moyenne des revenus s’est stabilisée : + 0,4 % vs – 7 % en 2016. Ces résultats encourageants sont à mettre en perspective avec la remontée des prix de marchés depuis le 2ème semestre 2017 et une forte augmentation des cessions d’actifs de production. Ainsi, la capacité totale de la production thermique des entreprises du panel a baissé de 25 GW. Ces ventes d’actifs ont contribué à la baisse de la dette financière des producteurs d’électricité.

Un business model basé uniquement sur la production d’électricité décentralisée ne permet pas d’engranger des revenus suffisants

Les incitations européennes liées à la politique de décarbonisation amènent les producteurs historiques d’électricité à privilégier les investissements dans les ENR (+41 % de capacité depuis 2013) plutôt que dans le thermique (-12 % de capacité depuis 2013). Cependant, malgré les avancées technologiques remarquables sur des installations renouvelables, le rendement de ces infrastructures (hors hydraulique) demeure faible : 10 % à 20 % pour le solaire contre 35 % à 45 % pour une centrale à flamme (50 % en cogénération). De plus, la dépendance des énergies renouvelables aux phénomènes naturels rend leur production électrique plus incertaine. Les énergies renouvelables ne peuvent donc pas constituer une source unique de production mais doivent être combinées avec des énergies pilotables et decarbonées.

La puissance unitaire d’un système thermique varie de 200 à 800 MW, soit une performance beaucoup plus importante que celle d’un système photovoltaïque (PV) s’élevant de quelques kW à 20 MW. Il faudrait ainsi investir dans des superficies de PV beaucoup plus importantes (presque 100 fois) pour avoir une puissance équivalente à celle d’un système thermique. Par conséquent, les producteurs peinent à remplacer leurs capacités thermiques par du renouvelable.

Le mouvement de décentralisation de la production est accentué par des consomm’acteurs

Autre tendance importante, le business model des producteurs est mis à mal par des consommateurs qui souhaitent produire leur « propre » électricité. Le financement participatif a largement contribué à la construction de « mini-centrales » de production ENR. Les producteurs se trouvent ainsi face à une concurrence qui émane de leurs clients. Les projets citoyens de production locale sont largement répandus en Allemagne : 50 % des capacités ENR sont possédées par des particuliers.

L’autoconsommation est une tendance en forte croissance en France et en Europe grâce à l’appui réglementaire, à la baisse des coûts d’acquisition des installations solaires et leurs incitations financières : d’après l’opérateur RTE, les foyers concernées économiseraient en moyenne 100 euros par an sur leur facture.

Les producteurs européens d’électricité adaptent leur offre avec l’émergence de nouveaux business

La loi sur l’autoconsommation contraint les acteurs de l’énergie à se repositionner sur la relation client. +14,4 % de croissance sur le marché des services énergétiques en France depuis 2017. La loi sur l’autoconsommation d’électricité est une injonction gouvernementale forte, au cÅ“ur de la restructuration stratégique des grands acteurs de l’énergie. Désormais, les mastodontes historiques de l’énergie sont tenus d’encourager et d’accompagner le consommateur à changer ses modes de production et de consommation d’énergie. « Sur un marché toujours plus concurrentiel, des stratégies de diversification du business model génèrent de la croissance interne et externe. En 2017, les services énergétiques sont à l’origine des 7,2 % du chiffre d’affaires d’EDF et des 33 % du chiffre d’affaires d’Engie », constate Samy Bélaïba, consultant chez Colombus Consulting.
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