Créée en 2009 par EDF, la start-up Nexcis, émanation de l’IRDEP, spécialisée dans les couches minces, connaîtra son apogée en 2014 avec environ 80 salariés qui avaient pour ambition de révolutionner le monde du photovoltaïque. La chute exponentielle des prix du silicium aura malheureusement raison de l’entreprise en 2015. Oubliée dans un hangar de Rousset (13), la ligne pilote d’électrolyse de 20 MW/an jouait la belle endormie. Jusqu’à ce que le chercheur, un peu fou et surtout passionné, Daniel Lincot, ne la rachète aux enchères en 2018. Autour d’un objectif : redonner son lustre à cette pépite technologique française et relancer la filière couche mince « made in France ». Â
Le parcours universitaire et professionnel de Daniel Lincot est brillant. Conciliant en permanence sa passion pour la science et ses aspirations écologiques et humanistes, ce docteur en physique et chimie, a trouvé dans l’énergie solaire de quoi satisfaire ses appétences premières, celles qui fondent les plus belles carrières. Il arpentera tout au long de sa vie professionnelle des laboratoires spécialisés dans l’électrochimie, la physique des solides, la fabrication de cellules solaires ou encore la recherche fondamentale liée à l’énergie solaire. En 2005, Daniel Lincot et son équipe sont, avec Olivier Kerrec d’EDF, à l’origine de l’aventure de l’IRDEP qui regroupe le CNRS, EDF et Chimie-Paristech, avec la volonté de créer des passerelles entre la recherche fondamentale solaire, le monde industriel jusqu’à la société civile. « Œuvrer dans le domaine de l’énergie solaire, c’est comme lutter comme un médecin contre une maladie, pour s’affranchir des énergies fossiles qui empoisonnent le climat et menacent l’humanité » assure Daniel Lincot.
« Nexcis avait eu raison trop tôt »
Au début des années 2010, l’IRDEP et le LPICM à l’Ecole polytechnique se lancent dans une très grosse opération, portée par le CNRS, l’Ecole Polytechnique, EDF et Total EDF, TotalEnergies et l’école Polytechnique, rejoints ensuite par Air Liquide et Horiba, qui aboutira en 2013 à la création de l’IPVF (Institut Photovoltaïque d’Ile de France) Daniel Lincot devient l’un des mentors de la stratégie scientifique de l’IPVF, dont il sera le premier directeur scientifique de 2013 à 2019. « L’idée était de disposer en région parisienne, sur le plateau de Saclay à côté des grandes écoles et des Universités, d’un navire amiral du solaire PV à l’instar de ce dont dispose la région Rhône-Alpes avec l’INES ». C’est dans ce cadre hyper stimulant et créatif, que la start-up Nexcis est créée à partir des travaux de l’IRDEP, en 2009. Autour d’un objectif : développer des procédés de couches minces dans le cadre d’un transfert industriel (avec EDF dans ce cas), ADN de l’IRDEP. Au milieu des années 2010, Nexcis est la pépite française du PV, une start-up star pleine d’avenir installée dans le Sud de la France. Elle comptera jusqu’à 80 salariés. C’est l’époque où le silicium cristallin s’arrache encore à prix d’or et où les couches minces apparaissent comme la solution compétitive dans ce secteur émergent du PV. En plus de leur coût intéressant, ces couches minces disposaient d’atouts essentiels, leur flexibilité d’usage et leur légèreté. Une vraie rupture technologique dans le monde rigide du wafer en silicium. La chute effrénée des tarifs du silicium mettra fin à l’aventure. La start-up devient par trop déficitaire, elle coule. « Nexcis avait eu raison trop tôt » déplore Daniel Lincot. Le momentum était passé.
« Il était hors de question pour moi de baisser les bras »
Suite à la liquidation, la ligne pilote, après son rachat par Crosslux, qui fait malheureusement aussi faillite trois ans après, s’est donc retrouvée à la vente en 2018. Daniel Lincot a saisi l’occasion. « A ce tournant de ma vie, à l’aube de ma retraite, s’ouvre à moi la possibilité de racheter la ligne pilote de 20 MW de  Nexcis. Il était hors de question pour moi de baisser les bras et de laisser partir ailleurs ou de voir disparaitre le fruit des résultats de nombreuses années de recherche intensive, un trésor de technologie couches minces innovant basé sur le process d’électrolyse » confie Daniel Lincot. Il y consacre alors une partie de l’héritage légué par sa maman Yvette, et réussi grâce au soutien de l’Université Paris Sud (maintenant Paris Saclay) et la guidance de Jean-Michel Lourtioz, vice Président Chargé du Patrimoine, à la sauver dans des anciens locaux du Laboratoire de l’accélérateur linéaire sur les bords de l’Yvette qui seront mis à disposition du CNRS et de SOYPV.
« Les couches minces, c’est du PV skin, du textile énergétique pour la ville »
En mai 2021, avec Jean-Michel Lourtioz qui rejoint l’aventure avec une solide expérience en physique fondamentale (il est aussi directeur de recherche émérite au CNRS et ancien directeur de l’Institut d’électronique fondamenatle), les deux retraités, papys startupers comme ils aiment à se définir, se lancent dans la création d’entreprise en fondant la bien nommée SAS SOY PV, Soleil sur Yvette Photovoltaïque. Cela en référence aux deux Yvettes et à tous ces collectifs citoyens qui mettent le soleil dans leurs noms de ville ou de région (Cachan Soleil, Antony Soleil, Chatillon Soleil…) et agissent de façon extraordinaire sur le terrain. SOYPV c’est aussi « Je Suis Photovoltaïque » en français, ce qui a aussi beaucoup de sens pour Daniel Lincot. La vocation de l’entreprise : produire des cellules CIGS, (un composé de cuivre, indium, gallium et sélénium), à bas coût via la technologie de revêtement d’électro-dépôt sans perte de matière, la ligne de Nexcis en étendard. « Je réalise mon rêve celui de créer une entreprise, de rapprocher la recherche et le terrain et de me lancer dans le grand bain industriel. C’est aussi une façon de montrer l’exemple et de dire à la jeunesse n’ayez pas peur de créer, d’inventer » s’enthousiasme avec beaucoup d’émotion Daniel Lincot. Tournée vers l’avenir, SOYPV, en partenariat avec le CNRS à l’IPVF, travaille pour devenir un leader mondial des cellules tandems CIGS-Perovskite sur support ultraléger et à très hauts rendements . « Les couches minces, c’est la possibilité de « PV skin », de la peau solaire qu’on transporte en rouleau et qui octroie l’avantage de la flexibilité dynamique et de la légèreté au solaire. Comme une voile, une feuille de papier, un vêtement… Nous travaillons d’ailleurs en grande proximité avec Alain Janet, fondateur de Solar Cloth pour créer une filière complète en France. Les couches minces c’est du BIPV (Building Integration) ou du BAPV (Building Added), ce sont des stores, des façades partout dans l’environnement urbain. Le textile énergétique pour la ville et l’agivoltaïque et pourquoi pas demain pour l’aérien basse et haute altitude… » poursuit Daniel Lincot.
« Nous avons désormais besoin de financements supplémentaires pour réaliser ce passage définitif vers l’industrie »Â
L’avènement de SOY PV est porteur de multiples promesses pour l’industrie photovoltaïque française. Grâce au soutien déterminant des premiers actionnaires, qui rejoignent SOYPV en 2022, porteurs une grande expérience industrielle et passionnés également par la transition énergétique et le photovoltaïque, SOYPV prend son envol et peut investir à la fois dans les matériels et le recrutement d’ingénieurs en CDI (actuellement 4). Un fort soutien vient également des pouvoirs publics, avec la BPI (French tech) puis l’ADEME dans le cadre du projet France 2030 en cours avec le CNRS et Solar Cloth sur l’industrialisation des cellules CIGS et les tandems. « Nous sommes au milieu du gué, à la croisée des chemins et devons dès maintenant trouver des financements supplémentaires importants pour réaliser ce passage définitif vers l’industrie » plaide Daniel Lincot qui décline le futur calendrier et les ressources attendues pour SOY PV qui pourraient atteindre un à plusieurs millions d’euros  dès fin 2026-2027 – Daniel Lincot lance un appel à se manifester à celles et ceux qui seraient intéressés par rejoindre cette phase cruciale de production/commercialisation de premières cellules et modules SOYPV « made in France ».  De l’échelle de quelques MW en mode pilote d’ici 2030, il rêve d’aller vers un développement à grande échelle pour contribuer efficacement à la transition énergétique et la réindustrialisation de la France et de l’Europe dans le photovoltaïque… A ceux qui veulent connaître la suite de l’histoire, la perche est tendue. En hommage à Yvette !
Encadré
Une installation dans le cadre des Quartiers Métropolitains d’Innovation
L’an dernier à la même époque, la start-up Soleil-sur-Yvette Photovoltaïque (SOYPV) a inauguré son voilage photovoltaïque CIGS démontable et pliable avec un brevet en cours. Daniel Lincot et Jean-Michel Lourtioz, les co-fondateurs, ont présenté leur innovation en matière de panneau photovoltaïque en présence du Vice-Président de la Métropole du Grand Paris et des représentants de la municipalité. Installée en façade de la crèche municipale d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), ce système unique, déployé sur une surface de plus de 10 m², affiche une puissance de 1,25 kilowatt-crête (kWc). L’installation témoigne de l’intérêt croissant pour les panneaux PV souples, légers et performants dans les environnements urbains. Cette installation s’inscrit dans le cadre des Quartiers Métropolitains d’Innovation, un programme visant à promouvoir des solutions durables et adaptées aux défis des villes modernes. Après une première expérimentation sur le campus d’Orsay, l’objectif de SOYPV était de valider la technologie du panneau repliable. Daniel Lincot a juste le regret de n’avoir pu utiliser encore les modules fabriqués par son entreprise à Aulnay. « On aurait aimé voir nos cellules en façade, mais c’était encore trop tôt. Nous avons réalisé l’assemblage avec des modules commerciaux pour illustrer le concept de ces nouveaux systèmes. » D’où l’enjeu de maîtriser la connexion électrique entre les cellules souples. « Chaque module est séparé du suivant par une séparation d’air avec le filet et une connexion électrique se fait par l’intermédiaire d’une connexion souple. Cette connexion balaie le panneau de haut en bas. » Les panneaux amovibles sont pratiques. Ils peuvent être repliés en cas d’intempérie par exemple. Ce système relié à la météo reste encore à programmer, sinon le repliement sur ordre humain fonctionne déjà . Deuxième avantage : il peut fournir temporairement de l’électricité à un endroit donné comme sur un chantier, un concert… Troisième avantage :  l’installation est plus facile, car la structure est simplement fixée et amovible en surface du bâtiment, un vêtement pour le soleil en quelque sorte ! Un concept prometteur pour les futures cellules SOYPV.
Contacts : Daniel.lincot@soypv.fr, Jean-michel.lourtioz@soypv.fr
Site web : https://soypv.com/

