Alors que les énergies renouvelables couvrent désormais un tiers de la consommation électrique française, elles doivent franchir un cap : celui de contribuer à l’ensemble des dimensions du système électrique. Produire plus ne suffit plus. Il faut produire utile, au bon moment, là où la consommation l’exige. C’est une condition essentielle pour alléger la facture publique — et celle des Français et des entreprises de notre pays, et réussir le pari collectif de la transition écologique.
Dans le monde électrique, une règle ne souffre aucune exception : à chaque seconde, la production doit être égale à la consommation. Trop de production, et l’électricité est perdue. Pas assez, et le réseau doit délester, c’est-à-dire couper temporairement certaines consommations. Cet équilibre permanent entre offre et demande est la clé de voûte du système électrique. Et de lui dépend le coût de notre approvisionnement électrique.
Surcapacités coûteuses, sous-capacités risquées
Lorsque la production manque, on frôle le rationnement, comme en 2022. Mais l’excès est tout aussi dangereux : des surcapacités entraînent un réseau électrique surdimensionné, des coûts d’infrastructure inutiles et, in fine, une facture plus lourde pour les consommateurs. Une partie du prix de l’électricité finance en effet ces renforcements de réseau, souvent rendus nécessaires par une production mal localisée ou mal planifiée.
Après vingt ans de développement, un nouveau cap
En 2025, les énergies renouvelables ont réussi leur pari industriel : elles représentent environ 33 % de la consommation française, dont 18 % pour le solaire et l’éolien. Mais la phase de “démarrage de filière” est derrière nous. Le défi n’est plus de produire plus, mais de produire en adéquation avec les besoins de consommation. Les renouvelables doivent désormais assumer leur rôle dans l’équilibre global du système électrique — et donc dans sa compétitivité.
L’agilité comme nouveau mot d’ordre
Anticiper l’évolution de la consommation électrique à long terme est un exercice incertain. On peut élaborer divers scénarios, comme ceux proposés par RTE ou l’ADEME, mais il demeure difficile de prévoir avec exactitude la trajectoire réelle. Selon le degré de sobriété adopté, la consommation en 2050 pourrait varier du simple au double, tout en permettant à la France d’atteindre la neutralité carbone et de se réindustrialiser.
Pour répondre à ces incertitudes, il convient de capitaliser sur la flexibilité et la réactivité des énergies renouvelables, atouts essentiels à leur bon déploiement, en particulier pour la filière photovoltaïque.
Cette agilité doit être partagée par :
- Les acteurs de la filière doivent concevoir leurs projets en tenant compte des besoins réels des territoires, en développant des solutions optimisées et compétitives, capables d’accompagner la croissance de l’électrification des usages. L’autoconsommation constitue à ce titre une voie à renforcer, tandis que d’autres schémas innovants de gestion de l’énergie — fondés sur la flexibilité et le stockage — doivent être encouragés. Enfin, l’innovation doit aussi s’exprimer à travers de nouveaux modèles contractuels, tels que les PPA.;
- Les gestionnaires de réseau, qui ont un rôle clé à jouer dans l’accélération du déploiement des projets, en poursuivant la simplification et la fluidification des démarches de raccordement, notamment pour les projets ne nécessitant pas de travaux de renforcement du réseau, tout en intégrant des solutions de flexibilité adaptées.
- L’État, qui doit adapter ses soutiens, inciter au déploiement de flexibilités de la consommation et libérer l’usage du stockage sur les sites de consommation et de production, en laissant le soin aux gestionnaires de réseau d’optimiser ces leviers au regard des impératifs de stabilité et de sécurité du réseau électrique.
Vers un modèle sans subventions directes
Avec une telle approche, les énergies renouvelables peuvent devenir encore plus compétitives — et se passer progressivement des subsides publics. L’État pourrait concentrer son rôle sur la garantie des financements, comme il l’a fait avec succès pour les prêts garantis durant la crise du Covid. Un fonds de garantie pour les financements dédiés aux projets solaires, de stockage ou d’autoconsommation permettrait de mobiliser massivement les financements privés, sans alourdir le budget public. A ce titre, l’exemple du PGE est éloquent : 145 milliards d’euros de prêts garantis, pour un coût inférieur à 5 milliards.
Un triple bénéfice pour la collectivité
Ce changement de paradigme apporterait trois bénéfices majeurs :
- Moins de pression sur les finances publiques, avec un allègement des subventions et des investissements de réseau.
- Une facture d’électricité plus juste pour les ménages et les entreprises, car moins chargée de coûts indirects.
- Un développement plus intelligent de la production décarbonée, aligné sur les besoins de consommation réels du pays.
Les énergies renouvelables ont quitté l’enfance industrielle. Elles ne demandent plus d’être soutenues, mais d’être reconnues comme un pilier de souveraineté. Produire, stocker, consommer autrement : c’est désormais sur ce terrain que se joue la compétitivité française. En conjuguant responsabilité, agilité et efficacité, les renouvelables peuvent transformer notre système électrique en atout stratégique – au service du climat, du pouvoir d’achat et d’une France durablement indépendante.

