Photovoltaïque: Vous avez dit visibilité ?

Le marché français du photovoltaïque, victime d’une bulle spéculative, a connu de trop nombreuses secousses au détriment des professionnels qui s’étaient lancés confiants dans l’aventure solaire. Pour les autorités du pays, pas de doute, ce marché a par trop manqué de visibilité. Avec l’aveu confondant d’un premier ministre qui s’est même fendu d’un : « Sur le photovoltaïque, nous avons fait n’importe quoi ! ». Et le gouvernement, après moult tergiversations, de mettre en place des protocoles soi-disant aptes à apporter cette fameuse lisibilité au marché. C’est ainsi que sont nés l’idée d’un tarif dégressif en fonction des dépôts de PTF pour les installations de moins de 100 kWc ainsi qu’un système d’appels d’offres pour les centrales de plus de 100 kWc dont un appel d’offres dit simplifié pour les installations en toitures comprises entre 100 et 250 kWc. Tout cela au cÅ“ur de l’été ! Si la visibilité est devenue plus évidente, quoique, les incertitudes demeurent pour des professionnels inquiets peu portés par l’optimisme au vu des objectifs de volume affichés per le gouvernement. Baisse des tarifs et appels d’offres. Mode d’emploi !

55,72 MW pour les installations aux particuliers et 161,46 MW pour les installations pour les autres bâtiments autre qu’à usage d’habitation ! Tel est donc le cumul des demandes de raccordement transmises pour le premier trimestre post-moratoire qui durait d’ailleurs un peu plus d’un trimestre. En application de l’annexe 1 de l’arrêté du 4 mars 2011 et en considérant les puissances crête cumulées des bilans des demandes de raccordement transmises par les gestionnaires de réseaux publics d’électricité dans le délai réglementaire (avant le 14 juillet 2011), les valeurs des coefficients S1 et V1 sont respectivement fixées à 0,075 et 0,095. Les tarifs du résidentiels baissent donc de 7,5% et ceux des autres bâtiments, pour les installations en dessous de 100 kWc de 9,5%, soit le maximum possible sur la période. Il est à noter que les nouveaux tarifs ayant été dévoilés sur le site de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) le 21 juillet 2011, les professionnels du solaire photovoltaïque ont dû travailler trois semaines sans pouvoir dire à leurs clients de quel tarif ils allaient pouvoir bénéficier. Difficile dans ce cadre là de monter des business models et des plans de financements sans connaître le TRI des projets. Il faut avouer qu’en termes de visibilité, on a déjà vu mieux !

La bulle est morte, le tarif ne doit plus baisser

Pour Arnaud Mine, président du pôle SOLER, entité dédiée au solaire au sein du SER, les cumuls de puissance dévoilés apparaissent comme très mesurés et signifient que le tarif d’avant la baisse était d’ores et déjà à un bon niveau pour calmer le marché et maîtriser les volumes. « Sachant que le taux de mortalité des projets en résidentiel est de l’ordre de 20% et celui sur les grandes toitures autour de 60%, on voit bien que la réalité des volumes qui seront effectivement réalisés se situe dans le régime de marché voulu par le gouvernement soit une quarantaine de MW pour le résidentiel et environ 70 MW pour les grandes toitures. Sur un an, cela fait un marché autour des 450 MW » confirme Arnaud Mine. Alors quel est le risque ? « Le nouveau tarif apparaît à un niveau trop bas que même certains appels d’offre n’atteindront pas. Il risque de figer encore le marché. Et puis il faut rester attentif. Au vu des chiffres, l’objectif de deux trimestres est d’ores et déjà dépassé ce qui veut dire que nous aurons vraisemblablement une baisse de 9,5% dès le mois de septembre. Elle serait invivable et non justifiée. Elle ne doit pas exister. C’est fini, le grand boom photovoltaïque est terminé. Nous ne sommes plus dans un contexte de bulle. En septembre, nous verrons bien le volume réel avec une liste d’attente qui aura fondu de 4 GW à 1,2 GW » ajoute-t-il. Et Arnaud Mine d’en appeler à une maîtrise du taux de décroissance des tarifs. Pour l’heure, le niveau des tarifs T1 à T4, définis dans l’arrêté du 4 mars 2011, en vigueur pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2011 sera fixé par un arrêté d’homologation pris par les ministres en charge de l’économie et de l’énergie courant septembre.

Appels à projets photovoltaïques : l’usine à gaz technocratique qui nécrose les PMI et les PME françaises

Dans sa quête de visibilité du marché photovoltaïque, le gouvernement a donc également mis au point un système, autant dire assez abstrus, d’appels d’offres. Dès la mi-juin, les projets de cahiers de charges pour l’appel à projets photovoltaïques dit « simplifié » (100 à 250 kW) et celui multi-critères (au-delà de 250 kW) sont dévoilés à la filière. L’association Enerplan ne tarde alors pas à réagir : « Ces projets n’appellent pas seulement un commentaire de détails pour tenter d’amender le texte d’une procédure complexe, longue, inéquitable et non transparente. Ils confirment le traitement de choc « létal » que le gouvernement inflige au secteur photovoltaïque depuis décembre 2010. Conçus pour répartir la misère, ces appels à projets PV vont nécroser les PMI et les PME françaises, qui peinent à survivre sur un marché national réduit à peau de chagrin en 2011 – 200 MW voir beaucoup moins sans relance du marché résidentiel. Le marché d’affaire, que devrait générer cette procédure, est renvoyé au printemps 2012 alors que les carnets de commandes sont blancs depuis le début du moratoire en décembre 2010. Pour éviter l’hécatombe au sein des PMI et les PME solaires françaises, il est nécessaire de mettre en Å“uvre un tarif transitoire de 100 à 250 kW avec un volume conséquent, en complément de ces appels à projets qui n’auront pas d’effet positif sur le marché avant un an. L’administration et le gouvernement doivent intégrer la santé et le tempo de ces petites et moyennes entreprises en leur allouant ce ballon d’oxygène sous forme d’un nouveau marché accessible avec des tarifs d’achat hors appel d’offre.». Cette requête restera lettre morte. Qui en aurait douté ?

Des propositions d’amendements légitimes

Concernant les projets de cahiers des charges, l’association Enerplan estime que beaucoup de choses devraient être revues pour les rendre acceptables alors que dans le même temps plusieurs points sont jugés « prioritaires » à amender. Pour l’appel à projets « simplifié », la mise en place d’un coefficient de régionalisation pour pondérer l’évaluation du critère prix du kWh, de la sorte que les projets ne soient pas uniquement concentrés dans le sud de la France relève de l’évidence. Il était également souhaité de ne pas faire référence à une exigence ISO 9001 ou 14001 pour le candidat ou son sous-traitant, cela représentant une barrière à l’entrée qui exclue de facto les PME, sans exigence appropriée de compétences. Dernier point, Enerplan proposait de ne pas exclure des projets déjà réalisés qui ne bénéficient pas encore d’un tarif d’achat en conséquence du moratoire, ni les ombrières de parking qui permettent de valoriser des parcelles déjà urbanisées tout en préparant les infrastructures pour l’écomobilité
Pour l’appel à projet multicritères, l’amendement minimal était de réduire la taille des centrales solaires, prévues au lot n°6 jusqu’à 40 MW. Avec un volume de 100 MW à attribuer, il n’y a pas de logique économique à concentrer la manne sur un ou deux opérateurs, alors que des projets de 5 à 10 MW pourraient irriguer plusieurs « modestes » porteurs de projets. Autant de préconisations légitimes et soutenues par la filière qui ne connaîtront que peu de succès.

Le SER en rupture avec les associations de terrain

Le 13 juillet 2011 et un peu en catimini, le supplément au Journal Officiel de l’Union Européenne (JOUE) publie dans son édition un « avis de marché » relatif aux installations PV comprises entre 100 et 250 kW. La particularité de cet appel d’offre est d’être décomposé en sept périodes pendant lesquelles il sera possible de déposer des offres. Ainsi si un projet n’est pas retenu lors d’un appel d’offre, il pourra être représenté à la session suivante, après que ses caractéristiques aient été, le cas échéant, modifiées. Cinq jours plus tard, le 18 juillet, dans une interview au Figaro, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie justifie ses choix : « Je fais sur le photovoltaïque ce que j’ai fait pour l’éolien en mer, c’est-à-dire de lancer de gros appels d’offres pour donner de la visibilité à l’industrie et se donner les moyens d’installer une telle filière en France et y développer l’emploi ». Reconnaissant que « pour les entreprises du photovoltaïque, cela fait deux ans et demi que le système changeait tous les six mois, était très pénalisant et que cette période est finie », elle a affirmé qu’avec les appels d’offres, « le système ne change plus». Le gouvernement « donne de la visibilité pour les années qui viennent ». Lors de cet entretien, NKM annonce donc le lancement de l’appel d’offres déjà publié au JOUE pour le 1er août et confirme que les candidats seront sélectionnés en mars ou avril 2012, avant l’élection présidentielle » Et Nathalie Kosciusko-Morizet de parler d’un nouveau contrat de confiance avec l’industrie solaire en France ». Jean-Louis Bal président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) a loué ce nouveau pacte lors du lancement du label AQPV soulevant par la même de nombreuses polémiques chez les acteurs de terrain. Jean-Louis Bal a ainsi salué le lancement imminent des appels d’offres : « Nous sommes extrêmement satisfaits du lancement de ces appels d’offres et surtout de sa composante industrielle importante pour l’acceptabilité à long terme de notre filière. Vous nous proposez un pacte de confiance, nous acceptons cette perche tendue. Nous adhérons à ce pacte de confiance même si certaines associations, non-adhérentes du SER, ont réagi assez négativement à ce pacte ». Parmi les associations dissidentes, Enerplan a donné de la voix par l’intermédiaire de Richard Loyen son délégué général, qui sollicite des « preuves » et indique qu’entre le traitement du dossier français du photovoltaïque et le lancement des appels d’offres « le pacte de confiance a définitivement été rompu ».

Pour les plus de 250 kW, les offres sont à déposer avant le 8 février 2012

Le 30 juillet, le JOUE publie cette fois l’appel d’offre pour la construction de centrales photovoltaïques d’une puissance unitaire supérieure à 250 kWc. La puissance cumulée maximale correspondant à deux années et demie d’objectifs, soit 450 MW. Cette puissance totale sera répartie en trois familles d’installations pouvant elles-mêmes être scindées en plusieurs sous-familles qui seront précisées par le cahier des charges de l’appel d’offres:
Famille 1: installations sur bâtiments pour une puissance cumulée maximale de 50 MW,
Famille 2: installations utilisant des technologies innovantes pour une puissance cumulée maximale de 237,5MW,
Famille 3: installations utilisant des technologies matures pour une puissance cumulée maximale de 162,5MW
Les offres devront être soumises à la commission de régulation de l’énergie avant le 8 février 2012 à 14 h. Parmi les lots proposés à candidature, quatre visent des centrales au sol « extrêmement innovantes » dixit la ministre : centrales thermodynamiques (37,5 MW), à concentration (50 MW), avec suivi de la course du soleil (100 MW) et des centrales pour les zones non interconnectées, comme en Corse ou dans les territoires d’outre-mer (50 MW). Pour les installations supérieures à 250 kW, l’avis indique qu’on devra attendre jusqu’au 15 septembre 2011 pour le trouver sur le site de la CRE. Pour ces installations de plus de 250 kWc, d’autres critères que le prix de revient seront étudiés. Il y aura un volet industriel, un volet environnemental, avec obligation de démantèlement en fin de vie et de recyclage des panneaux solaires, et des garanties sur les délais et la faisabilité.

Des fabricants ISO 9001 et en cours d’ISO 14 001

Mai revenons à l’appel d’offres concernant les installations dont la puissance est comprise entre 100 et 250 kWc. Il a donc été mis en ligne sur le site de la CRE le 1er août. Il est ouvert jusqu’au 20 janvier 2012 et porte sur 120 MW de projets. Six appels d’offres suivront en 2012 et 2013 pour 30 MW chacun. Au total, 300 MW de projets seront retenus. Le prix d’achat sera déterminant lors de la sélection. Les candidatures pourront être déposées à partir du mois d’octobre, après l’ouverture du site Internet dédié par la CRE. Le cahier des charges a été connu dans les 24 heures qui suivirent. Et autant dire qu’il est fidèle au projet. Ainsi, la somme de la puissance crête de l’installation et de la puissance crête des installations situées sur le même bâtiment ou la même parcelle cadastrale doit être inférieure à 250 kW. Par ailleurs, le candidat s’engage à être l’exploitant de l’installation de production, mais un changement d’exploitant pourra être envisagé postérieurement à la désignation des lauréats par les ministres compétents. Un changement d’exploitant devra être autorisé par les ministres compétents, qui vérifieront les garanties financières du nouvel exploitant. Les garanties financières exigées s’élèvent à 0,6 €/W à savoir 150.000 € de fonds propres pour un projet de 250 kW, sur attestation d’une banque ou d’un commissaire au compte. A défaut, une offre de prêt bancaire doit être produite. Voilà qui ne devrait pas être accessible à toutes les bourses ! Si l’installateur n’a pas besoin de disposer des certifications ISO comme les projets le préconisaient, ce n’est pas le cas des fabricants de modules qui doivent détenir une certification ISO 9001 (gestion qualité) et avoir engagé une démarche de certification ISO 14001 (environnement). Si certains fabricants disposent de la certification ISO 9001 (Photowatt, Tenesol, Fonroche, Auversun), d’autres sont en cours d’obtention. C’est le cas de Sillia en Bretagne ou de Voltec en Alsace. « Cela ne nous préoccupe pas plus que cela. Les démarches sont en cours et nous avons l’expérience, en tant que groupe industriel, de ce que représentent ces certifications » assure sereine Viviane Zimernann, directrice marketing et Développement de Voltec qui, entre parenthèses, réalise plus de 50% de ses ventes à l’export. Cependant, une inconnue subsiste : Les délais ! L’attribution des certifications peut être longue. Cela dit, les résultats des appels d’offres ne sont pas non plus pour demain. Il est à noter que les ombrières de parking, pourtant plébiscitées, ont été écartées du dispositif.

Le prix comme seul critère d’excellence : Drôle de paradoxe

Autre point qui a redonné espoir aux porteurs de projets des petites centrales au sol tel Franck Le Borgne, l’industriel breton qui a mené une grève de la faim pendant l’été, et qui fabrique des suiveurs solaires. En page 9 du cahier des charges, un alinéa est consacré à ces suiveurs solaires et à la limite de 2200 heures d’ensoleillement par an en métropole pour le maintien du tarif en cas d’utilisation de trackers. Contacté, le ministère confirme que cet appel à projet n’est absolument pas destiné à de petites centrales au sol et que cette précision a été annotée en cas d’innovation future en toiture. A qui veut bien le croire ? S’agissant enfin de la sélection des candidatures, un seul critère est retenu : le prix. On peut y voir un paradoxe alors que le gouvernement affiche des prétentions d’excellence. Les porteurs de projets devront donc indiquer dans leur dossier de candidature le prix (€/MWh) auquel ils souhaitent que leur électricité soit achetée la première année. La CRE classera en fonction de ces prix les offres reçues. Les projets sélectionnés seront ceux qui affichent le prix le plus attractif. l’issue de la période de candidature, la CRE dispose de deux mois pour examiner les offres reçues et adresser aux ministres compétents, le classement des candidats qu’elle propose de retenir, accompagné d’un rapport de synthèse. Les ministres arrêtent ensuite une liste et informent par courrier électronique l’ensemble des candidats de leur sélection ou non. La liste des lauréats sera publiée sur le site Internet de la CRE. « Le dispositif précédent favorisait le volume et le prix. Le nouveau cadre vise à soutenir les meilleurs projets au plan industriel et environnemental. Il soutient notamment des technologies innovantes à haut rendement sur lesquelles les entreprises françaises sont bien positionnées. Avec le nouveau dispositif, j’attends plusieurs milliers d’emplois industriels, mais je ne veux pas donner de chiffres précis » aurait confié Nathalie Kosciusko-Morizet. Un problème de visibilité peut-être ?

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