Photovoltaïque français en 2014 : Déliquescence ou résilience ?

2013, annus horribilis pour le photovoltaïque en France. Les liquidations judiciaires et les pertes d’emplois associées se sont poursuivies à bon rythme dans la filière photovoltaïque. Les bilans des sociétés qui survivent encore font grise mine. Certes les appels d’offres trop erratiques apportent de petits ballons d’oxygène aux sociétés lauréates. Mais dans quelles conditions ? Le temps presse. Pour 2014 jusqu’en 2017, le ministre Philippe Martin a fait Å“uvre de visibilité en promettant 800 MW par an alors même que le principe des tarifs d’achat semble être remis en cause, que le CIDD sur le PV résidentiel est supprimé et que l’autoconsommation attend un cadre réglementaire stable. Le gouvernement semble souffler le chaud et le froid. Que peut-on attendre de 2014 après une année 2013 difficile ? Enquête !

Pour qui sonne le glas ? Pour les tarifs d’achat. Lors de son discours en ouverture de la deuxième conférence environnementale le 21 septembre dernier, le président François Hollande a été très critique sur le mode de financement des énergies renouvelables par le biais des tarifs d’achat obligatoires qui ont été, selon lui, par trop responsables « d’effets d’aubaine et de spéculation » et qui pèsent sur le budget énergie des consommateurs. « L’expérience montre que les tarifs de rachat ne permettent pas de réguler et d’orienter correctement la production. Je prône des modes de soutien aux énergies renouvelables revisités de sorte que chaque euro prélevé sur les factures des consommateurs soit le plus efficace possible et favorise la création de champions industriels nationaux » a-t-il asséné. Cette saillie fait suite à celles des énergéticiens européens qui, quelques jours auparavant, demandaient une remise à plat des soutiens aux énergies renouvelables qui seraient responsables de tous les maux dans les grands équilibres énergétiques européens. Est-ce à dire que le dispositif de l’obligation d’achat vit ses dernières heures en France mais aussi en Europe ? Très probablement.

Les tarifs d’achat en sursis

Une communication de la Commission Européenne datée du 5 novembre 2013 ne laisse planer aucun doute sur le sujet. Extraits : « Alors que le secteur et les technologies des énergies renouvelables gagnent en maturité et que les coûts diminuent, il importe que les décisions de production et d’investissement soient de plus en plus déterminées par les forces du marché et non par des niveaux de prix garantis définis par les pouvoirs publics. Toute aide restant nécessaire devrait dès lors compléter les prix du marché et non les remplacer, et se limiter au minimum nécessaire. Dans la pratique, cela implique de supprimer progressivement les tarifs de rachat, qui protègent les producteurs d’énergie renouvelables des signaux de prix du marché, au profit de primes de rachat et d’autres instruments de soutien tels que les obligations de quotas, qui obligent les producteurs à s’adapter aux prix du marché De surcroît, les États membres sont invités à accorder ce soutien dans le cadre de mécanismes d’allocation par mise en concurrence véritable, tels que des procédures d’appel d’offres. Ces procédures permettent de révéler les coûts des différentes technologies et des différents opérateurs et projets compte tenu des lieux de production précis, et de stimuler une concurrence saine, non seulement entre opérateurs et lieux de production, mais aussi entre différentes sources d’énergie renouvelables ». Le gouvernement français semble s’aligner sur les préconisations européennes. Et cette remise en question des tarifs a provoqué de nombreuses réactions. A commencer par celle du président de l’UDI Jean-Louis Borloo : « Il faut se rendre compte du fiasco absolu : les énergies renouvelables ont été divisées par deux depuis deux ans. Et maintenant il n’y aura même plus l’obligation de rachat par EDF des énergies renouvelables ! » a-t-il vilipendé. Jean-Louis Bal pragmatique prenait acte mais plaidait l’urgence : « Les tarifs d’achat ont joué tout leur rôle dans la montée en puissance des énergies renouvelables électriques et offrent aujourd’hui encore une sécurité et une visibilité aux acteurs. Le Président de la République a annoncé une révision de ces mécanismes. Avant toute chose, et dans l’attente de la loi de programmation sur la transition énergétique qui devrait être publiée fin 2014, l’urgence est au redressement des filières au travers de mesures réglementaires immédiates ». Autant dire que cette annonce présidentielle de la fin annoncée des tarifs recevait un écho plus que mitigée auprès des professionnels de la filière plutôt en mal de remède d’urgence et de visibilité. A défaut, François Hollande laissait le flou s’installer.

La vérité crue de la lettre ouverte de Yannick Jadot

Les éclaircissements, si éclaircissement il y a, viendront du ministre Philippe Martin. Depuis son arrivée au ministère de l’écologie et de l’énergie au début de l’été, le ministre gersois de l’écologie est resté très discret sur la politique à mener en matière de développement des énergies renouvelables, notamment celui de l’énergie solaire. Le mardi 22 octobre, lors du colloque de l’Union française de l’électricité (UFE), le ministre est sorti du bois. Drôle d’endroit pour évoquer les renouvelables, me direz-vous ! Là au beau milieu des grands industriels et des opérateurs de réseau de l’électricité, Philippe Martin a annoncé le lancement, pour la fin 2013 ou le début 2014, d’une série de consultations auprès des acteurs impliqués dans le développement des énergies renouvelables sur les divers mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, et particulièrement dans le solaire photovoltaïque. La veille, le 21 octobre, Yannick Jadot, député européen avait lancé un pavé dans la mare à travers une lettre ouverte aux trois ministres Martin, Moscovici et Montebourg sur fond de reprise de la société Bosch Solar de Vénissieux. « La France doit sauver son industrie photovoltaïque. Alors que la transition énergétique devient une évidence partout dans le monde, cette technologie d’avenir est en passe de mettre la clef sous la porte en France sans une intervention rapide des pouvoirs publics Il faut que cette hémorragie cesse et qu’un plan volontariste de soutien du photovoltaïque se mette en place. C’est un profond sentiment d’incompréhension, d’abandon et de colère qui domine dans le secteur, alors que le Président de la République a encore rappelé son engagement en faveur des énergies renouvelables lors de la dernière Conférence environnementale » s’insurgeait Yannick Jadot. Des propos corroborés par une statistique inquiétante et alarmante. Le Commissariat Général au Développement Durable fait état d’une baisse très importante des raccordements des installations photovoltaïques de 78 % entre le premier semestre 2012 et le premier semestre 2013. Philippe Martin s’est donc empressé de rassurer les acteurs de la filière en confirmant que les installations existantes ne seraient pas touchées par cette réforme. « Les tarifs d’achat existants vont rester en place et coexisteront un certain temps avec les nouveaux dispositifs », a-t-il confirmé.
Philippe Martin a par ailleurs ouvert d’autres pistes que les professionnels du solaire ont, d’ores et déjà, anticipé. Il a ainsi évoqué l’organisation prochaine d’une « réflexion sur les opportunités et le développement de l’autoconsommation d’électricité » notamment au sein de la filière photovoltaïque.

Les grands groupes privilégiés au détriment des PME

Là encore, les propositions de Philippe Martin ont eu pour effet de faire réagir les associations. Pas vraiment positivement. L’annonce par le ministre d’une future « cohabitation » entre les tarifs d’achat et des « dispositifs nouveaux » dont personne ne sait rien semble condamner les premiers. Pour Marc Jedliczka, vice-président du CLER : « Les énergies renouvelables sont parées de toutes les vertus dans les discours, mais la multiplication des barrières et des embûches à leur encontre restent la norme. Alors que le gouvernement promet de leur donner un environnement propice, les filières se retrouvent une fois de plus dans un brouillard mortifère avec l’annonce de la fin programmée des tarifs d’achat par Philippe Martin le 22 octobre. Cette annonce, pour le moins maladroite, fait fi de tout le travail mené pendant des mois au sein du Débat National sur la Transition Énergétique dont les recommandations ne sont jamais allées dans ce sens » et « fait peser une fois de plus l’incertitude sur les projets locaux d’énergies renouvelables portés par les collectivités, les agriculteurs, les PME et les citoyens ». Pour beaucoup en cet automne 2013, la transition énergétique est en danger ! Avec la mort du tarif et la sanctuarisation des appels d’offres, le gouvernement semble vouloir réserver le développement des EnR aux seules grandes entreprises. « Il faut en effet choisir entre d’un côté une transition énergétique ambitieuse, participative et démocratique, donnant un rôle plus fort aux acteurs locaux et aux citoyens pour déployer concrètement les économies d’énergies et les énergies renouvelables, et, de l’autre, la poursuite du modèle actuel où une poignée d’entreprises monopolistiques se partagent les rentes en faisant peser les fardeaux sur la société. La première solution exige le maintien de tarifs d’achat équitables et transparents. La seconde se nourrira de séries d’appels d’offres propres à éliminer les petits et les indépendants tout en générant des surcoûts pour la collectivité » ajoute le CLER.

800 MW par an jusqu’en 2017

Pour calmer les inquiétudes des acteurs de la filière, le gouvernement se devait de faire enfin des annonces. La lettre ouverte aux ministres lancée Yannick Jadot qui a recueilli de très nombreuses signatures de parlementaires de tous bords et de professionnels en plein désarroi a-t-elle été le détonateur ? Toujours est-il que le 30 octobre dernier, dans le cadre des questions-réponses à l’Assemblée Nationale, le député divers gauche de Maine-et-Loire Serge Bardy a posé une question fort opportune au ministre l’écologie et de l’énergie Philippe Martin. Objectif de la mise en scène : Rassurer la profession du solaire quant aux intentions du gouvernement. Philippe Martin en a ainsi profité pour annoncer que le gouvernement lancera début 2014 un appel d’offres pour l’installation d’environ 800 MW de panneaux photovoltaïques et ce, chaque année jusqu’en 2017, « tout dispositif de soutien confondu ». Le ministre a conclu sa brève intervention en renvoyant la responsabilité de la situation actuelle et d’une filière en souffrance à l’ancien gouvernement qui a commis des erreurs réglementaires, envoyé des signaux contradictoires, créateur de bulles financières, et finalement responsable de 10 000 emplois détruits en 2010 et 2011. L’objectif de 800 MW par an jusqu’en 2017 est certes en dessous du souhait des professionnels. Reste que le SER a exprimé son soulagement par le biais de son président. C’est une bonne nouvelle, nous réclamions 1.000 MW d’appels d’offres annuels, avec des programmations sur plusieurs années pour relancer la filière, a déclaré Jean-Louis Bal, président du SER. Selon le syndicat, ces 800 MW devraient englober plusieurs appels offres pour des parcs de puissances et de types différents. La filière thermodynamique qui tenait colloque le 19 novembre à Paris s’est d’ailleurs positionné pour en être. Pour l’occasion, 40 entreprises du secteur ont donc lancé un message aux pouvoirs publics dans la perspective du troisième appel d’offres que doit rendre public la Commission de régulation de l’énergie. Plus précisément, le secteur espère développer une tranche de 100 MW de puissance à la suite de ce troisième appel d’offres. Dans le cadre d’une consultation sur le cahier des charges pour le troisième appel d’offres, la Direction générale de l’énergie et du climat s’interrogerait actuellement sur la nécessité d’inclure le solaire thermodynamique.

Plus que des mots !

L’annonce des 800 MW par an jusqu’en 2017 a eu au moins pour effet d’apaiser les revendications des syndicats de professionnels mais elle ne lève guère les nombreuses interrogations qui subsistent pour 2014 et les années à venir. Que se cache-t-il derrière ses 800 MW « tout dispositif de soutien confondu » dont une grande partie sera allouée aux appels d’offres ? Ne seront-ils pas trop dilués entre une multitude de technologies pas forcément pertinentes en dehors de la sun belt ? Qui en seront les bénéficiaires entre les PME et les grands groupes, « les grands champions industriels nationaux » dixit François Hollande ? A quel terme les tarifs d’achat déjà fortement impactés par les baisses trimestrielles successives seront-ils définitivement abandonnés ? Et comment va se dérouler la phase de transition entre justement les tarifs et les nouveaux dispositifs ? Comment se comportera un marché du résidentiel privé de crédit d’impôt et soumis à une baisse régulière des tarifs ? L’autoconsommation trouvera-t-elle un cadre administratif, juridique et fiscal idoine pour s’épanouir et devenir un relais de croissance crédible ? Quelle sera également la place dédiée aux collectivités locales dans la transition énergétique ? « Elles ont une légitimité à agir sur les questions de développement des énergies renouvelables. Je salue notamment ce que font les régions pour soutenir financièrement le renouvelable. Je pense que les collectivités locales devront avoir un droit d’expérimentation sur ces questions » a estimé le chef de l’Etat. Que sera donc 2014 pour la filière photovoltaïque ? Une nouvelle année de déliquescence marqué par une absence de volonté politique à promouvoir la décentralisation des moyens de production d’électricité que sont les centrales photovoltaïques ou bien une année de résilience avec une visibilité retrouvée et des objectifs déterminés à être menés à terme. Dans la conjecture d’un rebond salutaire, le gouvernement ne devra pas attendre la promulgation de la loi sur la transition énergétique pour agir. Il faudra alors plus que des mots !

Encadré

Fin du crédit d’impôt pour l’installation de panneaux photovoltaïques en 2014: Le gouvernement n’est pas à une contradiction près

Si le gouvernement a soufflé le chaud avec son programme de 800 MW par an jusqu’en 2017, il s’est mis à souffler le froid avec la suppression du crédit d’impôt de 11 % pour les particuliers qui installent un équipement photovoltaïque. Ce dispositif du crédit d’impôt développement durable a été exclu du projet de loi de Finances pour 2014 avec l’argument que le photovoltaïque bénéficiait déjà, à travers le tarif d’achat, d’un soutien public. Problème. En 2013, le marché domestique représente, dans un marché en berne, un quart de la puissance raccordée au réseau. « La suppression du Crédit d’impôt pourrait porter le coup fatal au segment résidentiel et priver l’industrie installée en France d’un débouché essentiel. L’adoption par le Parlement de la suppression du crédit d’impôt apparaîtrait comme une mesure contradictoire avec la volonté des pouvoirs publics de sauver des unités de production de panneaux photovoltaïques, comme celle de Bosch, qui emploie plus de 200 personnes à Vénissieux» a annoncé le syndicat SER-SOLER. En réaction, l’ex ministre de l’écologie Delphine Batho, actuelle députée des Deux-Sèvres a réuni 41 députés socialistes à ses côtés pour déposer un amendement éponyme afin que les particuliers continuent à bénéficier de ce crédit d’impôt développement durable pour l’installation de panneaux photovoltaïques. Alors que la France s’engage dans la transition énergétique, la suppression du CIDD pour le photovoltaïque résidentiel serait un signal négatif » a-t-elle expliqué. Elle a d’ailleurs fermement défendu son amendement en séance. Sans succès ! Il a été rejeté. Un symbole fort !

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