Montmélian la Solaire/Béatrice Santais : « Le solaire thermique est porteur de sens localement, dans le logement »

Depuis plus de trente ans, la ville de Montmélian fait la part belle à l’énergie solaire et notamment l’énergie solaire thermique. Des panneaux solaires ont ainsi fleuri sur les toits terrasses de nombreux bâtiments publics. Un exemple quasi unique au monde qui a valu à la ville le prix Solar Heating and Cooling de l’Agence Internationale de l’Energie ! Premières impressions et réactions avec la députée-maire Béatrice Santais qui vient de se lancer dans la réalisation d’un nouveau quartier solaire d’envergure, le Triangle Sud.

Plein Soleil : Vous venez de recevoir, le 14 octobre dernier à Pékin, en tant que maire de Montmélian, le prix Solar Heating and Cooling par l’Agence Internationale de l’Energie pour « 30 années d’une politique incroyable et remarquable dans le domaine du solaire thermique ». Quel sentiment éprouvez-vous après la réception d’une telle distinction internationale ?
Béatrice Santais : Quand nous l’avons appris cet été, cela a été un grand moment d’émotion pour l’ensemble des élus mais aussi pour moi, personnellement, qui ait été adjointe à Montmélian pendant des années avant de devenir maire, il y a six ans. Ce prix n’est certes pas une fin en soi, mais il représente la reconnaissance internationale d’une politique de longue haleine initiée il y a plus de trente ans par mon prédécesseur qui n’était autre que mon père (ndlr : Roger Rinchet, ancien sénateur maire de Montmélian). Ce qui me touche d’autant plus. Cette récompense a bien évidemment un tout autre impact qu’un simple papier dans notre bulletin municipal. Elle nous rassure également. Ici, nous passons parfois pour des incompris, des gens qui ont une lubie, le solaire. Etre reconnu de la sorte par des spécialistes, des experts mondiaux, cela fait vraiment du bien d’autant que les temps sont plutôt durs aujourd’hui pour les élus qui sont souvent sur la sellette. La confiance dans l’action publique s’érode dans le pays. Ce prix nous conforte dans la sensation que ce que l’on réalise fonctionne plutôt bien, que nos réalisations et même parfois nos expérimentations produisent des choses positives et ce, même si nous avons connu quelques petites déceptions tout au long de ces trente années. Au final, le bilan est une grande réussite. J’en ai d’ailleurs glissé un mot à la ministre Ségolène Royal pour la sensibiliser à notre action durable.

« Le solaire thermique : Une solution à la pointe du soir »

PS : Ce prix prestigieux a été attribué à une commune française alors que l’énergie solaire semble pourtant marquer le pas en France. Comment expliquez-vous cela ?
BS : Le solaire, et notamment le solaire thermique, demeure compliqué à appréhender. Il a encore l’image, malgré tout profondément injuste, de quelque chose de cher, réservé à quelques hurluberlus. Pour nous, ce prix tombe à pic. Il nous donne la foi et l’envie. Il nous encourage à continuer. Je reste, pour ma part, persuadée que le solaire thermique est porteur de sens localement, notamment dans le logement, le résidentiel. J’y crois beaucoup. Le soir, entre 18h00 et 20h00, on bénéficie des apports de chaleur de la journée pour les douches des enfants et des familles. Même avec son intermittence, le solaire thermique permet ainsi en partie de régler la pointe du soir. Autant dans le cadre d’une réhabilitation et d’un changement de chaudière, il n’est pas toujours simple d’intégrer du solaire thermique, autant dans la cadre d’une construction neuve, nous n’avons plus le droit ne pas nous poser la question. Le surcoût est ridicule. Et même en réhabilitation, le surcoût n’est souvent pas rédhibitoire.

PS : Vous pointez aussi du doigt l’impact social du solaire du solaire thermique.
BS : En effet. Nous comptons à Montmélian pas moins de 50% de logements sociaux. Chez nous, la notion de précarité énergétique est une vraie question. Le solaire thermique apporte des solutions. Il s’agit d’une énergie peu chère dont le tarif a vocation à demeurer stable dans le temps. L’OPAC (Office Public d’Aménagement et de Construction) de Savoie, sur le territoire communal de Montmélian, a été ainsi été très actif dans la pose de capteurs solaires thermiques lors de travaux de réhabilitation. La commune apporte également un soutien financier aux particuliers qui désirent installer des panneaux solaires thermiques sur leur toit.

Quand la question énergétique solaire guide la question urbanistique

PS : Vous êtes décidément une habituée des prix. Le 5 mai dernier, Montmélian a également reçu le Grand Prix Européen de l’Urbanisme pour son projet d’éco-quartier solaire du Triangle Sud. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
BS : C’est le début d’une nouvelle grande aventure, d’un énorme défi à relever. Dans les quinze prochaines années, nous allons faire sortir de terre huit cents logements, une opération qui va bouleverser la vie d’une ville d’un peu plus de quatre mille habitants comme Montmélian. Dans la conception de ce nouveau quartier, nous avons pris une décision particulière au sein du PLU (Plan Local d’Urbanisme). Et c’est un peu nouveau en Europe d’où l’obtention du Grand Prix Européen de l’Urbanisme qui est là encore une vraie consécration.

PS : Qu’est-ce que ce projet a de si innovant ?
BS : Pour ce projet, la question énergétique à travers l’énergie solaire guide la question urbanistique. Elle est un préalable à tout. Ainsi, nous avons décidé que 80% des besoins énergétiques de ce nouveau quartier devront être satisfaits par l’énergie solaire. Nous voulons démontrer à grande échelle que l’énergie solaire thermique a sa pertinence, qu’elle est une vraie réponse, une solution durable pour les habitants et les citoyens au quotidien. Mais aussi qu’il existe une vraie économie autour de tout cela. C’est aussi une façon d’aider la filière française du solaire thermique. Les études sont lancées. Nous travaillons avec l’INES (Institut National de l’Energie Solaire) via un programme de recherche. Pour l’heure, nous n’avons pas encore tranché à savoir si nous mettons en place un réseau de chaleur ou pas. Rien n’est définitif. Ce qui est intéressant et c’est une force, est que nous maîtrisons le foncier et que nous sommes en mesure d’inspirer fortement le mode d’utilisation d’énergie. Le promoteur aura à négocier un foncier alimenté et chauffé à l’énergie solaire. Reste à trouver la structure apte à gérer un tel système. Ce n’est pas si simple, à la fois juridiquement et techniquement. Mais nous n’en démordrons pas. Le Triangle Sud aura une prédominance solaire.

« La loi de Transition énergétique reconnaît l’action locale »

PS : Parvenez-vous à essaimer vos idées autour de vous, au sein de votre communauté de communes ?
BS : Vous savez, nul n’est prophète en son pays. Souvent, mes collègues me disent c’est très bien ce que tu réalises avec le solaire. Nous aimerions faire comme toi. Mais comme ils ne l’ont pas forcément intégré dans leur schéma, ils ne savent plus vraiment comment y parvenir et où mettre les panneaux. Le solaire dépend d’une volonté politique forte.

PS : Pensez-vous que la loi sur la transition énergétique apportera un véritable soutien à l’énergie solaire ?
BS : La loi dit des choses ambitieuses sur les énergies et la chaleur renouvelables. Ségolène Royal a évoqué très clairement le doublement du Fonds Chaleur. Les choses se présentent plutôt bien. Je pensais d’ailleurs, à l’instar de Grenelle 2, que cette loi ferait davantage consensus. Elle va loin sur certains sujets. Elle est incitative, elle reconnaît l’action locale à travers des appels à projets sur les territoires et ceci en cohérence avec la réforme territoriale à venir. La loi est aussi très claire en termes d’objectifs à atteindre et elle donne les moyens pour se battre, pour parler du solaire et de la chaleur. Je suis optimiste.

« Montmélian la Solaire s’est imposée dans les esprits »

PS : Vous avez également installé du photovoltaïque à Montmélian. Quelle est votre sentiment sur l’autoconsommation qui représente l’avenir du photovoltaïque dans le bâtiment ?
BS : L’autoconsommation est une bonne solution. Le producteur est souvent ravi de pouvoir consommer lui-même l’électricité qu’il produit. Mais attention ! Il existe des effets pervers à tout. L’autoconsommation mérite que l’on se pose des questions. Aujourd’hui en France, il existe ce que l’on appelle la péréquation qui permet d’obtenir un kWh au même tarif et dans les mêmes conditions, où que l’on soit sur le territoire, et quelque soit l’origine de l’électricité. C’est un peu comme le timbre. Avec ce principe, que deviennent ceux qui ne peuvent pas autoconsommer ? Nous devons trouver des solutions pour développer l’autoconsommation tout en pérennisant la péréquation. Une fois le problème réglé, je suis certain que l’autoconsommation motivera les investisseurs dans ce domaine du solaire photovoltaïque.

PS : Votre engagement dans l’énergie solaire, vous a même conduit à rebaptiser Montmélian, Montmélian la Solaire. Le solaire est devenu en quelque sorte votre marque de fabrique, votre signature ?
BS : C’est un peu ça et les citoyens apprécient. Montmélian, située à la porte des Alpes, a longtemps été affublée d’un slogan historique « Citadelle du passé, cité de l’avenir ». Aujourd’hui l’avenir se conjugue avec l’énergie solaire. Montmélian la Solaire s’est imposée dans les esprits. Nous avons disposé un soleil en entrée de ville. Les T-Shirts et les casquettes de la ville sont floqués avec l’astre solaire. Et puis depuis Pékin, Montmélian la Solaire est à présent connu dans le monde entier

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