Contribution au débat de l’entreprise Lécureur

Monsieur l’Inspecteur Général,

Nous avons pris connaissance de votre « Projet de rapport de la concertation avec les acteurs concernés par le développement de la filière photovoltaïque » du 9 février 2010.
En première lecture nous avons été séduits par la qualité rédactionnelle. Malheureusement une nouvelle lecture a montré que vous nous aviez seulement écoutés, que par contre vous aviez bien entendu d’autres sirènes, et qu’en fin de compte vous aviez adopté une solution mortifère pour toutes nos TEP et PME.
Vous oubliez que nos entreprises n’ont rien à voir avec la « bulle spéculative », qui n’aurait pas eu lieu si nos gouvernants et l’administration avaient bien fait leur travail en temps voulu : prévoir et gérer. Le gouvernement, alerté par des élus (de son camp), n’a pas limité assez tôt l’application de la TEPA. L’administration (ministères, préfets, et l’EDF) a fermé les yeux sur les projets de hors-la-loi : non seulement ceux qui utilisaient abusivement la TEPA, mais encore ceux qui violent l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 limitant l’obligation d’achat à 12 MW par installation.
Faut-il le rappeler, les agents de l’Etat qui ferment les yeux sur ces irrégularités, ou pis les encouragent, sont coupables devant la loi qu’ils sont chargés de faire respecter. On est amenés à se poser des questions devant l’ampleur de ces anomalies et de cette « passivité » qui relève de la « complicité » : à qui profite le crime ? Quels sont les intérêts cachés derrière tous ces montages ?
Nous ne pouvons pas accepter d’être sacrifiés au profit de hors-la-loi. Nous sommes actuellement victimes de décisions doublement rétroactives, aspect que vous avez « omis » d’évoquer dans votre rapport : -les auteurs du décret ont fait semblant d’ignorer que l’obligation d’achat et le tarif correspondant s’imposaient à partir du moment où une demande de raccordement complète était déposée, et non pas au moment où la PTF était renvoyée acceptée de plus le décret a décidé que la suspension s’appliquait aux projets dont la PTF n’avait pas été renvoyée acceptée avant le 2 décembre 2010, alors que le décret était pris le 9 décembre et publié le 11 décembre 2010.
Manifestement vous n’osez pas affronter les promoteurs de centrales au sol de plus de 12 MW, alors qu’il est de votre devoir de le faire. Votre rapport du 29 juillet 2010 ne mentionne ni la filière RTE ni ces dépassements de la limite de 12 MW. Pourquoi ? Vos interlocuteurs vous auraient-ils caché l’existence de cette nouvelle procédure et de ces centrales ?
-Il est vrai que cette procédure était nouvelle puisque la Commission de régulation de l’énergie, présidée par Monsieur de La Doucette, n’a approuvé que le 15 avril 2010 « la procédure de traitement des demandes de raccordement » au réseau géré par RTE EDF; cet avis précisait que RTE devrait publier cette procédure sur son site internet avant le 1er juin 2010 et entrer en vigueur à cette date. Curieusement, cet avis ne semble pas avoir été publié au Journal Officiel ; vice de procédure qui entache d’irrégularité tous les accords donnés par RTE ? Comme vous le savez la plupart des dossiers traités par RTE, et d’une puissance supérieure à 12 MW, concernent EDF EN, société présidée par Monsieur Mouratouglou, mais également filiale d’EDF.
-Il est aussi vrai que MM. de La Doucette et Mouratoglou ont menti (par omission) à la « commission des affaires économiques + Développement photovoltaïque » lors du débat contradictoire du 16 novembre 2010 : ils ont « oublié » de parler de RTE et des projets de centrales dont les demandes de raccordements étaient traitées directement par RTE !

S’ils ont eu la même attitude à votre égard, si vous avez ignoré l’existence de ces dossiers et de la procédure RTE, vous avez pu être stupéfait d’apprendre, lors de la réunion de concertation du 20 décembre 2010, l’importance de la file d’attente RTE ainsi créée. Mais alors vous devriez être clair dans votre nouveau rapport, désigner nettement les coupables et demander les sanctions qui s’imposent : limiter à 12 MW l’obligation d’achat de chaque centrale dans son ensemble (et non pas de chaque tranche) ; si l’EDF veut acheter le surplus, que ce soit sans incidence sur la cspe, et donc sans incidence sur la file d’attente ERDF.

Or votre rapport se contente de mentionner discrètement ces irrégularités : «certaines centrales au sol sont constituées de plusieurs sous-projets dont le total dépasse donc le plafond ». Vous évoquez même l’intérêt des grandes centrales tout en reconnaissant qu’il faut les limiter, en laissant entendre que cette limite pourrait être supérieure à 12 MW ; ce faisant vous emboitez le pas à Monsieur de La Doucette qui a proposé de relever le plafond à 36 MW. Cette attitude est totalement scandaleuse : Il vous appartient , à l’un et à l’autre, de respecter et faire respecter la loi qui fixe la limite à 12 MW.
En proposant un autre plafond vous vous rendez complice d’une grave infraction. Pour modifier ce plafond il faudrait une autre loi, ce qui donnerait lieu à un autre débat ; on pourrait alors comparer les tarifs d’achat entre centrales au sol et toitures ; si l’on tient compte des pertes en ligne, il faut comparer les prix d’achat du kwh utile. Mais tout cela serait dans un autre débat.

De même nous sommes étonnés de voir que vous envisagiez (page 31) de modifier le critère de distance, 500m, séparant les installations d’une même société. Ce critère de distance ne sert qu’à apprécier la limite des 12 MW ; pourquoi le modifier aujourd’hui ? Pour permettre à la même société d’implanter des projets de 12 MW séparés de 100m au lieu de 500 M, et donc régulariser ainsi les énormes centrales ?

Abordons maintenant la sortie du moratoire. Vous avez réalisé un tableau n° 5 fort intéressant et utile. Mais il y manque 2 données :
- D’une part le volume des PTF acceptées et reçues par EDF et RTE entre le 2 et le 11 décembre (date de publication du décret du 9.12.2010), victimes d’une rétroactivité particulièrement illégale.
- D’autre part le volume des dossiers RTE concernant les centrales dont la puissance totale (par site et non par sous-projet) excède 12 MW : pour les centrales en service, pour celles de la file d’attente qui ne sont pas suspendues, et pour celles qui sont suspendues mais dont les PTF acceptées ont été reçues par RTE entre le 2 et le 11 décembre 2010. Nous pensons qu’en annulant les MW qui sont en dépassement de la limite de 12 MW, on dégagera un volume de cspe supérieur à celui des dossiers ERDF dont les PTF acceptées ont été reçues entre le 2 et le 11 décembre 2010.
Le total des dossiers non suspendus, dans la file d’attente RTE, s’élève à 584 MW pour 15 dossiers. Tous ces dossiers, sauf un (de 12 MW), sont d’EDF EN. En EDF EN avait dans la liste d’attente RTE 14 projets non suspendus pour un total de 572 MW, dont Beaucaire (plus de 260 MW) et Crucey-Villages (environ 100 MW) ; Ces 14 projets limités à 12 MW par centrale ne devraient pas totaliser au maximum 14 x 12 = 168 MW. Sur ce seul segment vous devez récupérer 400 MW indument inscrit dans la file d’attente RTE !!! Vous pourrez également récupérer quelques dizaines de MW sur les centrales raccordées , en particulier 26 MW à Gabardan !!
Nous attirons à nouveau votre attention sur la nécessité de libérer d’urgence les dossiers dont les PTF acceptées ont été reçues avant le 11 décembre 2010 et qui sont illégalement suspendus par une décision rétroactive. C’est le seul moyen de redonner confiance à nos entreprises en leur permettant de reprendre le travail sans trop tarder ; encore faut-il que la procédure suspendue pour ces dossiers soit simplement remise en vigueur, sans que l’on ait à suivre une nouvelle procédure de demande de raccordement, et sans changement de tarif. En effet, dans le cas contraire on retarderait leur réalisation, prolongeant d’autant la période d’inactivité de nos entreprises (qui paiera les salariés sans emploi ?) ; et un changement de tarif obligerait à de nouvelles négociations commerciales, avec un risque de difficultés pour le financement, les banques n’aimant pas les changements de cap rétroactifs ; tout cela prolongerait encore la période d’inactivité.
Vous vous êtes montrés sensibles à ces arguments (page 42) pour les centrales au sol, semblant ignorer les nôtres ce qui est inadmissible quand on sait les facilités qu’ont leurs promoteurs, essentiellement EDF EN pour obtenir des PTF sur des projets tels que Beaucaire et Crucey-Villages : PTF délivrées alors que les PC ne sont pas accordés et que les enquêtes publiques n’ont pas encore eu lieu ; à ce stade la définition technique de ces projets ne peut être qu’approximative On peut s’interroger sur le sérieux de la procédure de RTE : complaisance ou complicité ?
Nous ne vous demandons que le respect des lois et insistons sur la nécessité de libérer d’urgence, comme indiqué ci-dessus, les dossiers dont les PTF acceptées ont été reçues par ERDF avant le 11 décembre. Il est important de remettre nos entreprises au travail au plus tôt.
Nous espérons que votre rapport final n’aboutira pas à une conclusion Shakespearienne du genre :
« Je t’aime mais n’ai pas le courage d’affronter les maffieux qui veulent s’emparer sauvagement de ton entreprise, de ta vie et de celle de tes salariés ; leurs spadassins sont derrière la porte, prêts à te tuer. Mais je t’aime et veux t’éviter des souffrances inutiles ; j’ai donc préparé ce breuvage qu’il te suffit de boire pour quitter cette vie en douceur. Adieu, mon ami, bois donc. »
Veuillez agréer, Monsieur l’Inspecteur Général, l’expression de notre considération distinguée.

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