Cestas : la centrale solaire de tous les superlatifs sort de terre

La plus puissante, la plus dense, la plus compétitive, la plus française, la centrale solaire photovoltaïque de Cestas en Gironde (300 MW) développée par la société neoen est aussi à ce jour la plus grande du continent européen et l’une des trois centrales les plus imposantes dans le monde. Ce site industriel est, en tous les cas, symbolique d’un savoir-faire français unique et optimisé pour la construction de ce type d’équipement d’énergies renouvelables. Immersion dans ce chantier hors normes !

Au sein du petit bus qui sillonne les venelles de circulation de la centrale photovoltaïque de Cestas en Gironde, on ressent comme l’impression d’être plongé au cÅ“ur d’une mer ou plutôt d’un estuaire, en référence à la géographie du département, de silicium cristallin. On voit ainsi défiler des vagues et des vagues de panneaux solaires, léger mascaret soumis à une légère ondulation est/ouest. La densité de panneaux est telle que l’on aperçoit que rarement un petit bout de terre. Des panneaux à perte de vue, agglutinés les uns aux autres, dans une remarquable logique d’optimisation foncière et énergétique de haute volée ! Aujourd’hui, plus de la moitié du million de panneaux qui composera la centrale, a été posée, avec une semaine d’avance, alors que la quasi-totalité des structures de soutien sont d’ores et déjà en place, vissées dans le sol pour plusieurs dizaines d’années.

La culture française de l’excellence du photovoltaïque au sol

La centrale de Cestas portée par la société neoen, détenue majoritairement par la SAS Impala de Jacques Veyrat, représente la quintessence de ce que qui peut-être réalisé dans le domaine du photovoltaïque industriel au sol dans l’Hexagone, dans la lignée des vignobles alentours pour ce qui est de la viticulture. Une sorte de culture de l’excellence reconnue à l’international ! Et pourtant, tout n’a pas été si simple pour les équipes de neoen dans un pays qui a l’art de cultiver les chausse-trappes pour les développeurs de centrales au sol. « Comme cette loi inepte des 500 mètres de distance entre chaque centrale de 12 MW pour un même maître d’ouvrage. Nous aurions aimé être propriétaire du site à 100% mais cette contrainte nous en empêche. Que de temps perdu et de dépenses ! Tout est fait pour nous freiner dans notre atteinte de taille critique et d’optimisation du bilan financier. Nous avons été dans l’obligation de trouver huit co-actionnaires pour parachever l’ouvrage. Neoen qui a acheté les 260 hectares de foncier détient 40% de la centrale. Nous gérons ainsi 25 centrales de 12 MW ce qui engendre nécessairement des surcoûts. Pour une PME/ETI française comme la nôtre, on ne cache pas qu’une dose de simplification administrative nous aurait fait du bien » reconnaît Xavier Barbaro, PDG de neoen. Reste que quand la contrainte est là, les esprits deviennent plus fertiles encore et s’adaptent en optimisant les process. La centrale de Cestas est ainsi un concentré d’innovations et de savoir-faire. La pose des vis a été effectuée par la filiale française de la société allemande Krinner. Ces vis sont posées sans béton via un positionnement GPS et des visées laser. Cette automatisation ultra efficace est un gage de précision pour une construction/installation très épurée, mélange d’alu et d’acier galvanisé, qui a vocation a duré cinquante à soixante ans. « Pour l’heure, il n’existe pas d’équivalent à Krinner en France pour un tel chantier » confirme Xavier Barbaro.

Une centrale quatre fois plus puissante que les autres parcs français

Pour la pose du million de modules 100% chinois (Yingli, Trina Solar et Canadian Solar), là encore, le chantier est une référence en termes d’efficacité. Il suffit de quinze à vingt personnes pour soutenir le rythme effarant de pose de 7000 modules/jour. Il faut dire que la méthode a été bien pensée. Des petits trains dédiés – cinq wagons tirés par un tracteur circulent entre les rangées de structures pré-installées. Sur chaque wagon, deux ouvriers hongrois sous statut de travailleurs détachés rémunérés au salaire français, sortent un à un les panneaux photovoltaïques d’un gros carton pour les faire glisser sur les tables entre deux rails de soutien. Sous la structure, un autre ouvrier fait glisser les panneaux pour avoir un alignement parfait. Six panneaux sont ainsi disposés, du faîtage de la structure à 2,20 mètres jusqu’à son point à 1,60 mètre. Les modules sont ainsi très peu inclinés suivant une orientation est/ouest qui peut surprendre mais qui a pour effet d’écraser un peu le pic de puissance de midi et de soutenir la courbe matin et soir. Pour plus de linéarité et pour une meilleure gestion du réseau ! « Même si nous perdons environ 10% de rendement par rapport à une orientation plein sud optimisée, nous avons priorisé la densité des modules sur le site avec un taux d’occupation de plus de 90% de l’espace. Avec 260 hectares couverts, ce parc photovoltaïque, le plus important d’Europe, est quatre fois plus puissant par hectare, que les autres parcs construits en France. Qu’est ce que l’on a voulu montrer avec ça ? Eh bien que le photovoltaïque avait atteint en France une maturité technologique lui permettant de s’insérer avec beaucoup de sobriété dans les territoires » poursuit Xavier Barbaro. Cette centrale est ainsi capable de produire en une année l’équivalent de la consommation domestique de l’ensemble de la population de Bordeaux. Côté compétitivité, l’électricité solaire produite à Cestas est achetée par EDF au prix de 105 euros le MWh, un vieux tarif T5 intéressant, hors appel d’offres, mais qui demeure très inférieur à celui du futur (?) EPR britannique. Un T5 désormais anachronique et dont le nouvel indice à 6,45 cts€/kWh interdit tout grand projet de centrale au sol au grand dam des responsables de neoen ! « Pourquoi limiter ce type de centrales à des appels d’offres aléatoires tous les deux ans, pourquoi se priver de ces grandes centrales devenues compétitives » questionnent-ils.

La centrale la plus française

Xavier Barbaro insiste également sur le fait que la majorité de l’investissement réalisé sur Cestas est dirigé vers les entreprises françaises. Aux équipes de poses hongroises et aux modules près, ces derniers pesant tout de même près de 45% du budget total de la centrale de 300 millions d’euros « Nous avons opté pour des panneaux chinois pour des raisons industrielles. En fait, seuls des entreprises chinoises pouvaient nous assurer des quantités et d’une qualité homogène sur de tels volumes. Nous avions également des contraintes bancaires de refinancement que seuls les industriels chinois nous permettaient de lever. En la matière, les modules chinois sont ce qui se fait de mieux sur le marché. Les Français doivent se battre sur autre chose » assure Xavier Barbaro. Cette autre chose, c’est ce que l’on appelle le balance of plants à savoir l’ensemble des éléments hors panneaux. neoen s’est ainsi octroyée les services de partenaires industriels français qui sont des champions internationaux en la matière, Eiffage avec sa filiale Clemessy spécialiste du génie électrique et mécanique et Schneider Electric pour la conversion. « Nous avons beaucoup travaillé sur ce chantier notamment sur le plan de l’optimisation des process ce qui nous a permis de réduire le personnel de chantier de 250 prévus au départ à 210 personnes. Nous avons tout analysé dans le moindre détail jusqu’aux 260 000 petits supports de câbles réalisés à l’imprimante 3D qui nous ont facilité le montage et fait gagné un temps précieux » indique Patrick De Labrusse, Directeur Projet Cestas chez Eiffage-Clemessy. Une machine de 1,20 mètre d’emprise en largeur dotée d’une cabine pivotant à 180° a également été conçue pour passer entre les tables et nettoyer les capteurs à la brosse pour toujours plus d’efficacité. Pour Schneider Electric, Cestas est également un excellent laboratoire du savoir-faire maison. Le groupe français spécialiste de la conversion DC-AC a implanté sur le site de Gironde 200 PVBox, fabriqués et assemblés en usine à Madrid afin d’éviter tout risque d’erreur sur site. « Ces box standardisées, sorte de gros Légos, sont calibrées pour le transport routier. Elles sont munies de déflecteurs pour l’aération. Sur le chantier, elles sont posées par de grosses grues sur des semelles de béton sur le sable. Leur poids : 25 tonnes pièces. Ce sont ces box qui centralisent les câbles et assurent la conversion avant d’envoyer le courant vers les transformateurs » indique Ignace de Prest, directeur de l’activité Energies Renouvelables pour Schneider en France.

« Une vraie source de fierté »

« Nous avons en France des champions méconnus du photovoltaïque. Cette réalisation de Cestas qui fait appel à ces partenaires industriels français est une vraie source de fierté pour neoen. Cestas nous a beaucoup appris. Nous avons la volonté de reproduire et de dupliquer une telle centrale à l’heure où l’énergie solaire ainsi conçue devient compétitive dans le monde entier. Nous craignons juste que Cestas demeure la centrale photovoltaïque la plus puissante d’Europe pendant un certain temps encore » confie Xavier Barbaro. Un tel parc a des coûts de maintenance et des coûts récurrents limités. Cinq personnes en assureront la maintenance sur place à l’année. Quelques passages de drones réguliers effectueront une surveillance de surchauffe ou de hots spots. La supervision sera assurée par les équipes de neoen. « 80% des revenus de la centrale sont de l’EBITA. Sans oublier les 2 millions d’€ perçus par les collectivités via la CFE-IFER. Le projet a une pertinence économique » convient Xavier Barbaro. Et écologique bien sûr. A l’heure de la COP21 fin d’année à Paris, un tel projet représente un véritable puits de CO2. Sans oublier la préservation des espèces sur site. « Parmi les mesures compensatoires, nous avons effectué des actions de revégétalisation et de reforestation autour de la centrale. A l’intérieur, nous avons conservé un bosquet d’arbres et une zone humide pour laisser s’épanouir le Fadet des laîches, un papillon protégé et rare. Côté clôture, tous les 100 mètres un passage de 10×20 centimètres permet aux animaux de circuler librement sur l’espace qui ne sera jamais tondue plus bas que 10 centimètres pour assurer l’habitat de la petite faune » confirme Guilhem de Tyssandier, directeur de travaux chez neoen. Les dates de mise en service et de l’inauguration avec la présence espérée et attendue de la ministre de l’écologie et de l’énergie Ségolène Royal sont prévues pour l’automne. Le rendez-vous est pris pour cette centrale de tous les superlatifs !

Encadrés

La centrale en quelques chiffres

Puissance totale : 300 MW soit un tiers d’une tranche nucléaire
Surface 2 km² soit 357 terrains de football
Un million de modules de 305 Wc
3 800 boîtiers de jonction DC
200 PV Box = 400 onduleurs 680 kVA + 200 transformateurs 1360 kVA
2 transformateurs 140 MVA
5 000 kilomètres de câbles
6,4 kilomètres de clôture
204 000 vis de fondation et 16 544 tables (33 000 tonnes) soit 100 Airbus A380
100 000 fusibles
Raccordement au réseau RTE 225 kW via 1700 mètres de câbles souterrains et un poste dédié
1 année de production = consommation domestique de l’ensemble de la population de Bordeaux

La ventilation de l’investissement

Investissement total : 360 millions d’€
La centrale à proprement parler : 300 millions d’€
Coûts financiers : 30 millions d’euros d’€
Foncier + coûts de projets : 20 millions d’€
Poste électrique RTE : 10 millions d’€

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