Si les prix de marché de l’électricité reculent enfin, les consommateurs français n’en verront pas la couleur en 2026. La disparition de l’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) au 1er janvier prochain entraînera mécaniquement une augmentation significative et durable de la facture d’électricité des ménages et des entreprises, au profit d’EDF, et à l’avenir une forte volatilité de l’évolution des prix de l’électricité.
Alors que le gouvernement cherche un moyen pour faire baisser les factures d’électricité et relancer la consommation, il existe un moyen simple : maintenir le mécanisme ARENH qui permet à tous les Français, particuliers comme entreprises, de bénéficier d’une énergie bon marché, car issue d’un parc nucléaire déjà amorti par le passé. Selon les calculs d’Hello Watt, le maintien de l’ARENH aurait permis une baisse du prix HT du kWh du TRVE (tarif réglementé de vente de l’électricité) de près de 9 % début 2026. Elle se serait traduite par une baisse de 6 % de la facture TTC.
Début 2026 : une “stabilité” des prix en trompe-l’œil
L’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) permettait jusqu’ici à tous les consommateurs français, particuliers et entreprises, de bénéficier d’un accès à l’électricité nucléaire à un prix fixe et régulé de 42 €/MWh. Le tarif final de l’électricité se composait d’une part sécurisée à ce prix bas, et le reste acheté au prix du marché. Ce mécanisme a été conçu pour protéger directement la facture des Français, et non pour avantager les fournisseurs alternatifs. Au 1er janvier 2026, sa suppression définitive au profit d’un approvisionnement 100 % marché change la donne. Alors que la baisse des cours de l’électricité aurait dû entraîner une diminution significative des factures dès le début d’année 2026, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) a annoncé il y a quelques mois un tarif « stable ». Le constat est sans appel : la baisse des cours de l’électricité sur les marchés de gros sert à compenser la fin de l’avantage nucléaire, et non à redonner du pouvoir d’achat aux Français.
Le coût réel : sans la fin de l’Arenh, le tarif réglementé de l’électricité aurait baissé de 9 % en 2026
Pour mesurer l’impact concret de la réforme, Hello Watt a comparé le scénario réel (fin de l’ARENH) avec un scénario de maintien du dispositif.
L’équation d’un surcoût mécanique
En 2025, plus de la moitié1 de l’approvisionnement d’un client au TRV d’EDF (ou chez un autre fournisseur) provenait de l’ARENH à 42 €/MWh, le reste étant acheté sur le marché, plus volatil. Dès 2026, le bouclier partiel de l’ARENH disparaît pour laisser place à un approvisionnement 100 % aux prix de marché, dont la moyenne pour le calcul du TRV est actuellement estimé à 64,3 €/MWh2. Concrètement, la fin de l’ARENH en 2026 se traduit donc pour le consommateur par une hausse mécanique de près de 9 % du prix du kWh, les privant d’une baisse de 6 % de leur facture TTC.
Pourquoi ce surcoût lié à la fin de l’ARENH sera-t-il invisible début 2026?
Le recul des prix de marché constaté depuis 2025 aurait dû alléger massivement la facture des Français. Au lieu de cela, cette marge de manœuvre sert intégralement à compenser la fin du tarif nucléaire historique. Résultat : là où les prix auraient dû chuter de 6 % sur les factures TTC, la CRE annonce une simple stabilité.
La fin d’un amortisseur : la preuve avec les chiffres de 2025
La suppression de l’ARENH expose désormais les consommateurs à une forte volatilité des prix. L’exemple de l’année 2025 est éloquent : si la fin de l’ARENH avait eu lieu au 1er janvier 2025 (avec des prix de gros à 103 €/MWh3), l’impact aurait alors été de +19 %4 sur le TRV, entraînant une hausse de +4 % en février 2025 au lieu de la baisse de -15 % effectivement appliquée, ce qui montre bien le caractère protecteur de l’ARENH pour les particuliers au tarif réglementé (ou en offre de marché).
Une occasion manquée dans un contexte social critique
Ce manque à gagner pour le pouvoir d’achat intervient alors que la précarité énergétique s’aggrave. Selon le Baromètre 2025 du Médiateur national de l’énergie :
● 75 % des Français restreignent leur chauffage pour limiter les coûts.
● 36 % déclarent avoir souffert du froid pendant au moins 24h l’hiver dernier.
« Avec la fin de l’ARENH, le consommateur perd sur les deux tableaux. Non seulement il ne profite pas de la baisse actuelle des marchés, car elle est absorbée par la réforme, mais il se retrouve désormais sans bouclier face aux futures crises. C’est une double peine : un prix plancher qui monte, et un prix plafond qui disparaît. » explique Sylvain Le Falher, co-fondateur d’Hello Watt.
Les dessous de la réforme : renflouer EDF au détriment des consommateurs
Cette réforme, demandée par EDF, et présentée comme un succès de souveraineté face à Bruxelles, est avant tout un transfert financier massif des ménages et entreprises au bénéfice d’EDF. L’objectif implicite est clair : renflouer l’opérateur pour financer son programme de construction de nouveaux réacteurs, alors que les précédents chantiers ont accumulé les dérives techniques et budgétaires, et que RTE vient de revoir la demande future en électricité à la baisse dans son dernier rapport annuel.
Un mécanisme de redistribution inopérant
Le nouveau dispositif prévoit une captation partielle des revenus du nucléaire au-delà de 78 €/MWh pour les redistribuer. Or, avec un marché actuel autour de 50€/MWh (et de 65 €/MWh en moyenne de prix lissé sur les 2 dernières années), ce seuil élevé ne sera pas atteint. Le mécanisme serait donc inopérant actuellement : les consommateurs paient le prix fort, avec un filet de sécurité très limité, comme le montre l’exemple de 2025.
Encadré
Les solutions : comment les consommateurs peuvent-ils réagir ?
Face à cette hausse structurelle et à la volatilité à venir (le tarif étant désormais 100 % exposé aux marchés), Hello Watt identifie plusieurs leviers pour réduire la facture :
1. Faire jouer la concurrence : comparer les offres pour trouver celles qui répercutent les baisses de marché plus vite que le TRV (des offres à -20 % sur le prix du kWh HT sont actuellement disponibles).
2. Devenir son propre producteur d’électricité : installer des panneaux solaires et des batteries pour gagner en autonomie et figer son coût de l’électricité.
3. Réduire sa consommation : utiliser l’application Hello Watt pour suivre, comprendre ses usages et adopter les bons éco-gestes (permettant une réduction moyenne de consommation de 15 %).
4. Isoler son logement et installer une Pompe à Chaleur (PAC) pour réduire le poids du chauffage sur la facture (en moyenne 60 % de la consommation du logement).
5. Etre rémunéré pour consommer moins lors des pics de demande d’électricité, contribuant ainsi à la sécurité du réseau et à la transition écologique.
1En tenant compte de l’effet “écrêtement” des volumes ARENH, ou la demande en volumes excédait la limite de 100 TWh. 2Estimation susceptible d’évoluer jusqu’à fin 2025. Méthode retenue par la CRE dans la calcul du tarif réglementé de vente. Basée sur les cotations sur le marché du produit “calendaire base 2026” équivalent au produit ARENH, lors des années 2024 et 2025. 3Prix moyen du produit calendaire 2025, basé sur les années 2023 (crise énergétique) et 2024. 4Hors effet du nouveau mécanisme de versement nucléaire universel (VNU), encore incertain et qui ne commence à servir d’amortisseur sur les factures d’énergie qu’à partir d’un prix supérieur à 78 €/MWh (qui reste à confirmer).

