Alors que la montée en puissance des ressources énergétiques décentralisées est bien engagée en Europe et que les segments résidentiel, tertiaire et industriel se développent rapidement, un fragment moins médiatisé de la transition énergétique reste l’autoconsommation collective (ACC) et les communautés énergétiques (CE). Pourtant, avec 47% de croissance observée en 2024 sur huit pays européens, l’ACC mérite une attention croissante. Analyse avec Chloé Deparis, Consultante chez LCP Delta !
Bien plus qu’un simple outil d’optimisation énergétique, l’autoconsommation collective est un levier clé pour l’accès à une énergie décarbonée, la souveraineté énergétique et l’implication des citoyens dans la transition énergétique. Et pour cela, l’Union européenne joue un rôle moteur.
« Le marché de l’autoconsommation collective est en pleine maturation »
Depuis 2018, plusieurs directives, notamment la directive sur les énergies renouvelables (REDII) et celle sur les règles communes du marché intérieur de l’électricité, ont posé les bases des communautés énergétiques. En juillet 2024, la réforme du marché de l’électricité a marqué un tournant : tous les ménages, PME et collectivités peuvent désormais partager leur énergie, et les États membres doivent mettre en place les outils pour le permettre. Alors où en est aujourd’hui le marché de l’autoconsommation collective en Europe ? Et quels freins subsistent encore, empêchant ce modèle de devenir un pilier de l’énergie décentralisée européenne ? “Notre dernier état des lieux du marché de l’ACC dans huit pays européens révèle une tendance claire : le marché de l’autoconsommation collective est en pleine maturation. Dans chacun des pays étudiés, l’ACC existe depuis au moins deux ans et en conséquence, on note que les écosystèmes de prestataires de services se structurent, les procédures administratives s’allègent, les blocages à l’activation des projets se résorbent et les projets ne sont plus à l’état de pilotes. Mais aussi, les modèles opérationnels ont désormais été prouvés et peuvent être répliqués à plus grande échelle. Cependant, les cadres réglementaires restent hétérogènes, avec des approches très diverses selon les pays. Dans certains, l’ACC est uniquement autorisée dans le cadre d’une communauté énergétique ; dans d’autres, elle se limite à un même bâtiment résidentiel collectif.” assure Chloé Deparis, Consultante chez LCP Delta, cabinet européen de conseil spécialisé dans la transition énergétique.
« La France, de son côté, se distingue moins par le volume que par une forte dynamique »
Elle ajoute à cela : “Parmi les leaders européens, l’Autriche reste une pionnière de l’autoconsommation (+ de 5 000 projets et 300 MW de capacité installée). Elle a rapidement transposé les directives européennes, lui permettant de disposer aujourd’hui d’un marché mature. La Suisse, souvent sous-estimée, est pourtant le pays européen qui compte le plus de projets, avec près de 15 000 installations. Sa définition favorable de l’ACC dans le logement collectif a permis un déploiement rapide, et des évolutions réglementaires récentes ouvrent la voie à une extension du modèle. La France, de son côté, se distingue moins par le volume (un peu plus de 1 000 projets recensés au T2 2025) que par une forte dynamique. L’intérêt des développeurs solaires, des industriels et des collectivités est très élevé. Toutefois, l’instabilité réglementaire et politique depuis début 2025 menace de freiner la montée en puissance du marché.” Si l’autoconsommation collective (ACC) et les communautés énergétiques restent perçues comme des initiatives de niche, la réalité est tout autre. Le segment a connu une croissance de 47 % en 2024 par rapport à 2023, à contre-courant du ralentissement observé sur le marché solaire global. « Nous anticipons une croissance continue jusqu’en 2030, même si des obstacles subsistent : la complexité des montages juridiques et techniques, le manque de sensibilisation des consommateurs et producteurs, l’absence dans certains pays d’outils standardisés pour créer et gérer les projets, ainsi qu’un modèle économique encore perfectible dans certains contextes. Avec des fondations solides et un élan européen affirmé, l’autoconsommation collective a aujourd’hui le potentiel de devenir un pilier de l’énergie décentralisée en Europe. La question n’est plus de savoir si le modèle fonctionne, mais qui saura l’amener à l’échelle” conclut Chloé Deparis.