Reportage / L'autoconsommation sur site industriel : une réalité tangible chez Soprema en Allemagne

Le groupe Soprema a lancé un programme de quatre nouvelles usines une au Canada, une en France et deux en Allemagne à Hof. Objectif : en faire des sites industriels à empreinte carbone la plus réduite possible quand les conditions le permettent. Et c’est à Hof en Allemagne, sur un site spécialisé dans la production d’étanchéité bitumineuse que cette philosophie « go green » s’exprime le plus largement avec l’appui d’énergies alternatives autoproduites. Visite de ce parangon industriel de l’autoconsommation !

Avec le changement des règles de tarification du kWh renouvelable en France, les professionnels du secteur étudie avec acuité la question de l’autoconsommation des énergies renouvelables, et notamment du solaire photovoltaïque, sur site industriel. Le groupe Soprema, dont d’ailleurs la filière française Solardis se positionne avec force arguments techniques et commerciaux sur le sujet, montre l’exemple. C’est en Allemagne que cela se passe, à Hof, au sein d’une usine flambant neuve inaugurée en juin 2015 et spécialisée dans la production d’étanchéité bitumineuse. Cette usine de 13 000 m² a nécessité un investissement de 23 millions d’euros et elle emploie à ce jour quarante cinq personnes.

Autoconsommation éolienne et photovoltaïque

Cette unité de fabrication implantée sur un site bucolique et verdoyant de quatorze hectares a été conçue pour s’approcher au plus près de la philosophie cradle to cradle (voir encadré). Sur le plan énergétique, elle est en tous les cas toute tournée vers l’électricité verte à l’instar des fermes environnantes. L’usine est ainsi entourée d’éoliennes. Deux d’entre elles qui tournoient à soixante-dix mètres de haut ont été rachetées à des paysans par le groupe Soprema. Ces deux turbines (1 MW de puissance) alimentent l’usine et fournissent 1 million de kWh d’énergie par an. De quoi alimenter environ 250 foyers ! Sur la toiture végétalisée de l’usine, 6 000 m² de modules photovoltaïques SolarWorld permettent pour leur part de produire entre 400 et 500 MWh chaque année sans émettre le moindre gramme de CO2. Toute cette électricité verte produite sur le site est autoconsommée, et ceci de manière parfaitement optimale grâce à l’ingéniosité de Thomas König, le responsable du site industriel. Cet ingénieur de formation a eu l’idée de marier ces énergies du soleil et du vent avec le système de refroidissement hydraulique de l’usine. Pour refroidir les chaudières de dernière génération à gaz ainsi que la chaîne de production – la membrane doit passer de 150°C à 30°C lors du cycle -, un bassin de rétention d’eau de près d’un million de lites a été mis en place, favorisé, faut-il dire, par la configuration du site.

L’électricité verte stockée sous forme de froid

En été, l’eau du bassin extérieur est refroidie à 4°C grâce essentiellement à la production d’énergie solaire, ce qui évite de faire appel au réseau et d’utiliser l’électricité classique. Cette eau est ensuite injectée dans le circuit des machines de production qui peuvent être refroidies pendant trois jours sans avoir à recourir aux systèmes traditionnels de refroidissement, dans une parfaire adéquation entre l’offre et la demande. Cette autonomie de près de 72 heures devient caduque l’hiver venu cependant que les besoins de rafraîchir le bassin sont moindres. Lors de cette période, l’énergie éolienne est favorisée et est suffisante pour assurer son refroidissement dans une remarquable complémentarité avec les panneaux solaires au fil des saisons. « L’électricité verte est totalement autoconsommée notamment avec l’alimentation des deux groupes froid de 500 kW. En fait, ici à Hof, nous stockons l’électricité renouvelable sous forme de froid, une façon d’optimiser l’autoconsommation avec des renouvelables » confirme Matthias König. Cette autoconsommation sur site industriel est également rendue possible en Allemagne par le prix élevé du kWh électrique (plus de 25 centimes d’€) qui plus est en hausse constante, mais aussi par une politique allemande qui impose des taxes sévères aux entreprises qui ne sont pas suffisamment preuve de vertu écologique. Difficile donc de dupliquer une telle infrastructure dans l’Hexagone où le prix du kWh, notamment pour les industries électro-intensives, demeure très bas. Mais l’exemple Soprema vaut bien que l’on s’attarde ne serait-ce que sur sa faisabilité technique en tout point remarquable.

Objectif : 100% renouvelable

Et le groupe Soprema ne veut pas s’arrêter là. L’objectif ultime de cette usine à laquelle sera greffée en 2017 une nouvelle unité de production de polyuréthane pour 20 millions supplémentaires d’investissement et 40 emplois en sus, est de passer en mode 100% renouvelable. Pour ce faire, une troisième éolienne sera achetée pour actionner les pompes d’une installation de géothermie d’ores et déjà programmée. Les chaudières de dernière génération ont été également conçues pour fonctionner au biogaz qui doit être produit non loin du site par un éleveur. Le processus est en cours, l’infrastructure se met en place. Sans oublier une unité de cogénération. Et pour boucler la boucle façon « cradle to cradle », le groupe Soprema planche sur un système de recyclage des matériaux de production assez complexe notamment dans le cadre d’utilisation de produits composites. Cette double usine en devenir du site de Hof est une sorte de laboratoire sur le plan énergétique pour Soprema. Elle se pose comme un marqueur de l’exemplarité du monde industriel occidental. Où quand une activité polluante – un filtre à charbon actif emprisonne 95% des particules émises -, finit par devenir une référence environnementale, les renouvelables en fer de lance !

Encadré
Quid de la philosophie cradle to cradle ?
Du berceau au berceau (Cradle to cradle pour les anglophones, aussi abrégé en C2C), est une partie de l’écoconception mais aussi un concept d’éthique environnementale ou de philosophie de la production industrielle qui intègre, à tous les niveaux, de la conception, de la production et de la réutilisation du produit, une exigence écologique dont le principe est zéro pollution et 100 % réutilisé. Pour faire simple, un produit fabriqué doit pouvoir, une fois recyclé, produire à nouveau le même produit, seul un ajout d’énergie renouvelable intervenant dans le cycle.
Plus d’infos…

Cet article est publié dans Actualités. Ajouter aux favoris.

Les commentaires sont fermés