Nicolas Sarkozy chez Photowatt ou l’histoire du pompier pyromane

Mardi 14 février 2012, le président Nicolas Sarkozy s’est rendu chez Photowatt en compagnie d’Henri Proglio, PDG d’EDF, pour confirmer l’offre de reprise de l’entreprise par EDF. Le chef de l’Etat est donc venu annoncer la bonne nouvelle aux salariés de la société berjallienne dont tous les emplois seront préservés. Il est en revanche demeuré très discret sur le devenir de la filière mise à part une proposition «à l’italienne » de bonification de 10% du tarif d’achat pour des modules dont le contenu européen atteindrait 60%. Retour sur un déplacement du presque candidat Sarkozy d’ores et déjà en campagne électorale chez Photowatt !

«Avec Henri Proglio, Nathalie Kosciusko-Morizet, Eric Besson et Xavier Bertrant qui sont ici présents avec moi, nous ne voulons pas que le photovoltaïque disparaisse du paysage industriel français. Nous ne voulons qu’il n’y ait que des emplois d’installateurs dans ce pays. C’est un choix délibéré, déterminant pour l’avenir de la filière. Nous ne sommes pas là que pour sauver une entreprise mais bien pour sauver une filière» a déclaré Nicolas Sarkozy lors de son allocution informelle en fin de visite de l’usine de Photowatt à Bourgoin-Jallieu dans l’Isère. Sauver Photowatt, l’affaire semble entendue depuis jeudi dernier et le dépôt de l’offre de reprise par EDF, et ce même s’il faudra attendre la décision du tribunal de commerce du 21 février prochain. L’Etat actionnaire d’EDF s’est fortement mobilisé et a pesé de tous son poids dans la décision que d’aucuns qualifient volontiers d’électoraliste. Question de timing sans doute! On dit qu’Henri Proglio n’était pas très «chaud» pour reprendre l’affaire. Reste qu’EDF au chevet de Photowatt, cela relève du bon sens. Le groupe était déjà bien présent dans Photowatt, en détenant 40% à parité avec Photowatt – les 20% restants appartenant au CEA – du diamant technologique de Photowatt à savoir PV Alliance une ligne de recherche sur l’hétérojonction des cellules. EDF est également très actif sur l’aval de la filière solaire disposant d’un parc conséquent de centrales photovoltaïques avec lesquelles il récupère d’ailleurs une part importante de CSPE. Comme un juste retour des choses!

100% des panneaux Photowatt achetés par EDF

Lors de son allocution, Nicolas Sarkozy a confirmé qu’il avait demandé deux faveurs au géant énergéticien. «Nous avons proposé à EDF, un groupe français international, de devenir propriétaire actionnaire de votre entreprise. EDF est un champion du nucléaire, je crois au nucléaire, je ne veux pas arrêter le nucléaire. Mais dans le même temps, EDF doit aussi se développer dans le renouvelable» a-t-il confié aux salariés de Photowatt. Même dans l’antre historique du solaire de France, Nicolas Sarkozy ne peut s’empêcher de faire du prosélytisme pro nucléaire. Comme autant de piqûres de rappel à ceux qui douteraient encore de son engagement dans l’atome! La deuxième faveur devrait permettre de donner du temps au temps. «Durant la période où Photowatt finit de développer sa nouvelle technologie dans l’hétérojonction dans laquelle nous croyons, nous avons demandé à EDF d’acheter 100% de la production de l’ancienne génération. Le temps de faire le lien entre la technologie historique et la technologie d’avenir». Les autres PME toujours dans la course à la reprise de Photowatt, MPO et Solarezo réunies d’une part et ECM Technologies d’autre part, ont également demander à EDF de s’engager pour l’achat de capteurs Photowatt sur une durée de quatre ans. L’idée devient caduque. EDF sera son propre client dans la logique du «On n’est jamais mieux servi que par soi-même». «Nous ne laisserons pas tomber ces PME. Nous allons les associer au projet»a d’ailleurs assuré le chef de l’Etat.

Tarifs bonifiés de 10% pour des panneaux à 60% de contenu européen

Présent sur place, Jean-Louis Bal, président du SER restait un tantinet sur sa faim. «Je dis bravo pour le sauvetage de Photowatt mais il reste à construire la filière qui a été mise à mal ces deux dernières années» confie-t-il. Jean-Jack Queyranne, président de la Région Rhône-Alpes qui a investi 15 millions d’euros dans PV Alliance ne dit pas autre chose. «EDF représente une garantie d’avenir pour l’emploi. Mais nous trouvons que tout cela arrive bien tard. Et puis surtout, nous aurions pu nous attendre aujourd’hui à des engagements forts sur la filière photovoltaïque. Il n’en a rien été. C’est une déception» confirme le président de Région. Si en public, Nicolas Sarkozy n’a rien laissé filtrer, il a en revanche évoqué lors de sa rencontre à huis clos avec le comité d’entreprise et les syndicats la future mise en place d’une mesure de bonification de 10% des tarifs pour les installations réalisées en France et dotées de panneaux dont le contenu serait à 60% européen, dans la droite ligne de ce qui se pratique en l’Italie. Une mesure qui devrait certes profiter à Photowatt! Bien maigre cela dit pour relancer une filière aux abois qui a tant souffert des atermoiements du gouvernement ces dernières années. «J’assume les décisions des ministres d’avoir baissé le tarif d’achat du photovoltaïque avec des objectifs 2020 atteints en 2012, et ce, pour préserver la facture d’électricité des consommateurs français» assène le chef de l’Etat.

Tous les emplois sauvés

Et Nicolas Sarkozy de se lancer dans un long pamphlet sur l’emploi et l’injustice de ces salariés de Photowatt qui «souffrent depuis trois ans avec la boule au ventre de savoir de quoi demain sera fait. Il est insupportable de perdre son emploi alors que l’on y est pour rien» déclare-t-il même. Il poursuit en confirmant qu’avec la solution EDF tous les emplois, tous, les 430, seront préservés au grand soulagement de Jean-Louis Perrot, DRH de Photowatt. «La signature d’EDF a de la valeur en termes d’emplois. Elle est garante de continuité et d’espoir» se réjouit le DRH. Les salariés du collectif Superwatt qui ont remis en mains propres au président leurs propositions sur la filière ne font pas non plus la fine bouche : «Nous attendons l’avis du tribunal de commerce mais l’offre est évidemment intéressante car elle sauvegarde les emplois. Nous restons prudents sur le reclassement de 85 salariés chez EDF notamment» estime Julien Hostache. «Bienvenue chez EDF» scande même Philippe Miklou du syndicat FO. Nicolas Sarkozy est donc venu en sauveur et dans l’urgence au chevet d’une société que la politique de son gouvernement n’a pas ménagé ces derniers mois et qu’EDF a trop longtemps négligé préférant les sirènes américaines et les couches minces du géant First Solar. Après le moratoire et la campagne de dénigrement systématique du photovoltaïque dont la doxa autorisée a dit pis que pendre, Nicolas Sarkozy vient au secours du fleuron industriel du solaire. Etrange paradoxe . Les périodes de campagne électorale ne sont-elles pas celles des pompiers pyromanes?

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