EDF EN et Saint-Gobain Solar partagent leur couche

Dans l’industrie solaire en France, les bonnes nouvelles sont rares. L’accord de coopération en matière de R&D entre Nexcis, filiale d’EDF EN et Saint-Gobain Solar pour développer une nouvelle génération de couches minces CIGS en est une. Plus de détail sur ce rapprochement qui a réjoui la ministre Delphine Batho ardente défenseuse de l’industrie solaire française !

L’annonce est passée un peu inaperçu, comme en catimini. Point de communiqué ou de conférence de presse pour faire part de cette alliance de raison. L’accord de partenariat industriel entre Nexcis, filiale d’EDF EN et Saint-Gobain Solar a été annoncé par les deux protagonistes lors du colloque du SER le 28 mai dernier. Un événement en soi pour la filière photovoltaïque française en mal de bonnes nouvelles ces derniers temps. La discrétion est donc restée de mise. La ministre qui s’en est réjoui l’a d’ailleurs évoqué du bout des lèvres consciente que ce rapprochement n’en était qu’çà ces balbutiements et qu’il fallait attendre un petit peu avant de s’enflammer. Delphine Batho a appris à être prudente sur les annonces concernant le développement du photovoltaïque en France.

Devenir un champion européen

Qu’en est-il vraiment de ce partenariat entre l’électricien français et le spécialiste mondial du verre ? Pour l’heure, il s’agit d’un simple accord de coopération en matière de Recherche et Développement de six mois. « Nous allons déterminer s’il y a matière à faire quelque chose, à développer un projet industriel ensemble. A travers notre filiale NexCIS, nous développons une technologie de deuxième génération de couches minces qui n’est pas, pour l’heure, sur le marché. Il nous semble pertinent de nous associer avec Saint-Gobain Solar qui dispose dans le cadre de son projet Avancis d’une unité de production de panneaux solaires couches minces en Allemagne de 100 MW. Lier les deux technologies, prendre le meilleur des deux mondes, tel est l’objectif » reconnaît Yvon André, directeur général d’EDF Energies Nouvelles France. Aujourd’hui sur le marché, la prime va clairement aux technologies matures du poly ou monocristallin. Le CIGS (Cuivre, Indium, Gallium, Sélénium) souffre d’un manque flagrant d’effet d’échelle. Seul le japonais Solar Frontier parvient à tirer son épingle du jeu. « On sent quelque chose arriver. Cela va bouger dans le pipe des couches minces » anticipe Olivier Kerrec, directeur général de Nexcis qui voit dans ce partenariat gagnant-gagnant une façon de sortir de la confidentialité. « Nexcis est une PME, spin-off de l’IRDEP (voir encadré) à forte capacité d’innovation a fait son job de recherches. Mais elle est confrontée à des problématiques de temps et de financement. Nous sommes très complémentaires avec Saint-Gobain Solar intégrée à un grand groupe mondial. Pour réussir, nous devons allier nos forces en Europe, additionner nos savoir-faire, prendre nos responsabilités. Cette annonce de partenariat représente ainsi une chance unique, une opportunité d’être compétitif. Avec l’ambition de devenir un champion européen face aux géants mondiaux » se réjouit-il.

Des appels d’offres réservés aux couches minces ?

Que va apporter Nexcis, quelle est sa valeur ajoutée ? Nexcis a développé une technologie de module photovoltaïque à moindre coût et en rupture avec celles des générations précédentes (silicium cristallin, amorphe). « Il s’agit de la seconde technologie de couches minces (CIGS,Se), que nous développons en ayant recours à des procédés atmosphériques à travers deux étapes innovantes d’électro-platine et de recuit accéléré. C’est-à-dire que nous ne travaillons plus sous vide mais à pression et température ambiantes. Nous déposons directement sur le verre. Il s’agit de techniques et de procédés très proches de ceux utilisés en microélectronique. Ces technologies uniques au monde nous permettent de travailler avec des équipements beaucoup moins chers et beaucoup plus rapides, permettant un vrai gain de productivité » confirme Olivier Kerrec. Nexcis est en train de construire une ligne pilote afin de fabriquer des modules à l’échelle 1 et les tester. Avant de se lancer dans le grand bain industriel avec Avancis. A la croisée des chemins entre la connaissance industrielle de Saint-Gobain Solar et la recherche française représentée par Nexcis !
Si à terme, les panneaux photovoltaïques CIGS couches minces issus de cette collaboration devenaient compétitifs sur le marché, si la capacité de développement international était avérée, les deux partenaires n’excluent en rien de monter une usine en France. Fabrice Didier, directeur général Saint-Gobain Solar et Yvon André, en acceptent l’augure. Mais pour ce faire, ils plébiscitent un marché pérenne en France. « Pour créer une usine, il faut nous donner de la visibilité sur le marché français domestiques. Parmi les conditions, nous pourrions imaginer une partie des appels d’offres réservée à la technologie des couches minces avec un contenu industriel local » admet Yvon André. Ou comment les grands groupes négocient des débouchés de marchés en contrepartie de l’installation d’une unité industrielle sur le territoire

Encadré

Quid de l’IRDEP !

L’IRDEP (l’Institut de Recherche et Développement sur l’Énergie Photovoltaïque) travaille sur les cellules photovoltaïques en couches minces et des concepts très hauts rendements souvent appelés 2ème et 3ème générations. Ces technologies sont en plein développement au côté des cellules au silicium cristallin, les plus répandues aujourd’hui. Historiquement, l’IRDEP a travaillé sur les matériaux à base de CIGS. Les travaux sur la synthèse électrochimique de couches minces de CIGS ont conduit à la création de la société NexCIS en 2008. L’IRDEP amplifie maintenant ses travaux sur la filière CIGS, sur les cellules à colorant et sur les cellules de 3ème génération. Ses activités vont de la recherche fondamentale à l’innovation industrielle. Le personnel de l’IRDEP se monte à environ 20 permanents et une dizaine de doctorants. L’IRDEP est une Unité Mixte de Recherche (UMR 7174) dont les 3 tutelles sont EDF, le CNRS et Chimie-Paristech.

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