Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) : le décryptage des ONG

A quelques jours de la publication de la PPE, FNE, le RAC, CLER et Greenpeace vous présentent leur version de cette PPE qui, elle, veille à respecter les objectifs de la loi sur la transition énergétique en chiffrages pour les années 2018 et 2023. Explications !

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) doit transcrire les objectifs de la loi sur la transition énergétique en fixant des trajectoires d’évolution de la consommation et de la production d’énergie par filière pour les périodes 2016-2018 et 2019-2023. Le ministère de l’écologie a conduit des travaux pour établir en avril 2015 un scénario de référence appelé «AMS2» permettant d’atteindre les objectifs de la loi. Les arbitrages du gouvernement sur la PPE ne peuvent pas revenir sur les grands principes que les députés ont adoptés en juillet 2015. Plus possible de prétendre qu’on va continuer dans la voie du nucléaire et des énergies fossiles tout en développant en même temps les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

La PPE pourra être considérée comme un outil de pilotage sincère uniquement si elle acte la baisse de la puissance nucléaire installée et permet ainsi de faire de la place aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. L’Etat doit fixer une feuille de route claire, chiffrée pour qu’EDF puisse ensuite la décliner dans son plan stratégique.
Pour faciliter le décryptage des éléments qui seront annoncés, nous avons traduit les objectifs de la loi sur la transitionénergétique en chiffrages pour les années 2018 et 2023 sur 6 objectifs essentiels de la PPE.

Réduction de la consommation d’énergie

La loi sur la transition énergétique indique que la PPE «se fonde sur des scénarios de besoins énergétiques». C’est pour répondre à ces derniers qu’elle doit ensuite programmer toutes les sources de production d’énergie et leur évolution jusqu’en 2023. La loi fixe également un objectif de baisse de la consommation d’énergie et un autre, plus spécifique, sur la baisse de la consommation d’énergies fossiles. Ces objectifs découlent des travaux menés pendant le débat national sur la transition énergétique où il a été démontré que seuls les scénarios prévoyant au minimum une division par deux de la consommation d’énergie en 2050 permettaient de respecter le facteur 4 sur les émissions de gaz à effet de serre en 2050. Nous proposons ci-dessous trois éléments clés pour établir la baisse de la consommation d’énergie dans la PPE.

1-Baisse de la consommation d’énergie finale.
Dans la loi sur la transition énergétique: Baisse de 20 % de la consommation énergétique finale en 2030 par rapport à 2012.
Avec une consommation d’énergie en 2012 de 155 Mtep, une évolution linéaire pour atteindre une baisse de 20 % en 2030 nous donne les points de passage suivants:
145 Mtep en 2018 et 136 Mtep en 2023.
Ces points de passage sont tout à fait cohérents avec le scénario de référence du ministère de l’écologie appelé AMS2.

2-Evolution de la consommation d’électricité
La loi sur la transition énergétique ne fixe pas d’objectif spécifique pour la consommation d’électricité. Néanmoins, les autres objectifs permettent de donner des indications sur son évolution.
Une note que nous avons adressée à la DGEC en juin 2015 reprenait 6 scénarios électriques: 3 issus du bilan prévisionnel RTE 2014, 1 de la DGEC 2015 (AMS2), 1 de Greenpeace et 1 de négaWatt. Ces scénarios, bien qu’issus de différentes hypothèses d’activité économique, de démographie et d’évolution sectorielle des besoins, montraient des tendances proches en terme d’évolution de la demande en électricité ou de la disponibilité brute (besoin domestique hors export qui doit être égal à la production à usage domestique).

Pour ces 6 scénarios,
La consommation domestique d’électricité se situera donc entre 415 et 449 TWh en 2018 et entre 395 et 447 TWh en 2023. (Référence 2014: 430 TWh)
Par exemple, le scénario de référence AMS2 de la DGEC, prévoit une légère baisse de la demande en électricité en 2020 (de 444 TW.h en 2010 à 440 TW.h en 2020) et une baisse plus nette en 2030 (401 TW/h). Cette trajectoire correspond pourtant à une hausse assez forte du parc de véhicules électriques avec 2,5 millions de véhicules hybrides et 1,9 million de véhicules électriques en 2030.

3-Baisse de la consommation d’énergies fossiles
Dans la loi sur la transition énergétique: Baisse de 30 % de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012.
Avec une consommation d’énergies fossiles en 2012 de l’ordre de 128 Mtep, une évolution linéaire pour atteindre une baisse de 30 % en 2030 (soit une consommation de 90 Mtep) nous donne les points de passage suivants:
115 Mtep en 2018 et 105 Mtep en 2023.

Il est à noter que le scénario de référence AMS2 est plus ambitieux puisqu’il arrive à une baisse de 39 % de la consommation d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012 (soit une consommation de 79Mtep). La PPE devraient intégrer ce potentiel.
→ Evolution de la production d’énergie
Une fois la trajectoire de consommation d’énergie établie, l’ajustement de la production d’énergie et l’établissement du mix énergétique et du mix électrique doivent permettre de se mettre sur le cap des objectifs fixés par la loi de transition énergétique.

4-Hausse de la production d’énergies renouvelables
Dans la loi sur la transition énergétique: 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en 2020 et 32 % en 2030.
Avec une part de 14,2 % en 2013, une évolution linéaire pour atteindre l’objectif ci-dessus nous donne les points de passage suivants:
20,5 % en 2018 et 26,8 % en 2023.

Il est à noter que dans le scénario de référence AMS2, on atteint 34 % en 2030.

5-Hausse de la production photovoltaïque et éolienne
Dans la loi sur la transition énergétique: Pour les énergies renouvelables électriques, l’objectif est de 40 % de la production en 2030. Auparavant, la France s’était fixée pour objectif d’être à 27 % d’énergies renouvelables électriques en 2020.
Cela correspond à 24 % en 2018 et 31 % en 2023.
L’évolution de la disponibilité brute impose une production renouvelable minimum (plus élevée si la France décide d’exporter) comprise entre 114 et 123 TWh en 2018 et comprise entre 141 et 152 TWh en 2023.
Les renouvelables hors hydroélectricité, dont l’évolution est considérée comme marginale, (éolien maritime, terrestre, le solaire principalement) devront couvrir de 46 à 55 TWh en 2018 et de 73 à 92 TWh en 2023.
L’atteinte de ces objectifs nécessitera que soit installés entre 28 et 29,5 GW d’éolien terrestre et solaire d’ici 2018 et entre 53 et 58 GW d’ici 2023.
Les chiffres proposés par le ministère en novembre 2015, de 24 GW en 2018 et 36 à 43 GW en 2023 ne sont donc pas cohérents avec les objectifs sauf à imaginer une baisse très prononcée de la consommation d’électricité.

6-Baisse du nucléaire
Dans la loi sur la transition énergétique: Baisse de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à horizon 2025.
L’électricité nucléaire disponible en 2025 se calcule à partir de la disponibilité brute en 2025 et des hypothèses d’exports.: cela représente la moitié de la disponibilité brute plus l’export.
Le nombre de réacteurs à fermer d’ici 2025 dépend du type de réacteur que l’on choisit de fermer entre les moins puissants (900 MW, environ 60% des réacteurs français, et qui ont entre 29 et 39 ans) et les plus puissants (entre 1300 et 1500 MW qui ont entre 17 et 32 ans).
En prenant en compte l’évolution de la consommation d’électricité vue plus haut et la montée en puissance des énergies renouvelables, la PPE devrait proposer de fermer entre 5 et 8 réacteurs d’ici à 2018et de 19 à 24 fermetures supplémentaires d’ici 2023.
Quand bien même ce serait les réacteurs les plus puissants qui fermeraient (peu probable compte tenu de leur âge), il faudrait de toute façon fermer une dizaine de réacteurs d’ici à 2023.
Plus d’infos…

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